Ne croyez pas, mes belins-belines, que je veuille vous initier à une littérature qui déferle sur l’Occident, en masse, depuis seulement une ou deux décennies et s’impose par sa vigueur et son originalité. J’en serais bien incapable, car moi-même j’en suis tout juste à ce niveau de découverte. En outre, il faut faire la différence entre les romans écrits par les Chinois et Chinoises de la diaspora, le plus souvent écrits en anglais pour mieux se faire entendre, et les authentiques écrivains du pays, restés sur place au risque de voir parfois leur voix s’étouffer et d’être assignés à résidence pour cause de trop grande franchise. Mo Yan, Yan Lianke, voilà deux noms que pour l’instant je peux vous citer avec certitude, mais je vous promets qu’il y en aura d’autres sur lesquels je reviendrai afin que mon initiation puisse vous servir. Il y a des traits communs à toutes ces œuvres profondes, comme par exemple l’existence dans ces villages presque autarciques où l’on ignore tout de la grande ville sauf que d’elle émanent les autorisations et les cachets les authentifiant, sans lesquels on ne peut rien se permettre des rites du quotidien. J’esquisserai aujourd’hui un thème spécifique qui fait frémir, traité de manière bouleversante dans Le Rêve du Village des Ding, que je viens de terminer : la vente du sang qui, pratiquée à outrance et n’importe comment, a permis aux villageois d’avoir enfin une maison en brique et de manger à leur faim, mais les a contaminés du Sida et amenés à mourir collectivement dans le désespoir. Vous voyez qu’il y aura matière à réflexion.
