Cette histoire de sang vendu par les villageois chinois afin d’avoir de quoi manger et s’assurer un peu d’aisance semble tirée de quelque conte horrifique, mais elle est hélas la triste réalité. J’avais déjà, il y a quelques années, lu un roman chinois dont les personnages principaux se livraient à cette activité lucrative, ils avaient même trouvé un moyen de proposer du sang plus fréquemment aux collecteurs en buvant de l’eau en abondance avant de se présenter à la collecte. Inutile de préciser que la ruine de leur santé était automatique : d’ailleurs les donneurs (les vendeurs, plutôt) se doutaient bien qu’ils se condamnaient et leur philosophie résignée était dans le roman un élément prenant. Ce roman pathétique, Le vendeur de sang, signé de Yu Hua, n’envisageait que les dommages côté individu – mais déjà, avant de découvrir que les seringues employées pour plusieurs prélèvements ne pouvaient que développer la contamination par le sida (ce qu’ils ont pudiquement appelé « les fièvres » avant d’envisager la réalité en face), on pouvait se demander quelle utilisation allait bien être faite de ce sang récolté de manière aussi artisanale. Que ce thème à faire frissonner soit un élément fréquent de la littérature chinoise contemporaine est facile à comprendre – mais, pour illustrer un trafic à grande échelle, que la vente à la criée d’hymens pour femmes ayant besoin d’une nouvelle virginité soit un thème du Prix Nobel Mo Yan dans son fascinant roman Deux Frères a encore davantage de quoi étonner. Je vous en dirai demain quelques mots.