Avant même, mes belins-belines, que de me mettre en chemin pour tâcher de servir d’élévateur (je n’ose tout de même pas dire d’éleveur) de votre niveau culturel, une tâche plus urgente se présente de temps à autre, et ce matin c’était le cas. Rien n’est plus agréable à contempler que mon cheptel en corps constitué, chaque individu à la place qu’il s’est choisie pour recevoir les nourritures terrestres bien assis la queue enroulée autour des pattes, attendant sagement la provende. Une pincée de steak haché dans un couvercle de moutarde (de Dijon, comme de juste) puis une poignée de croquettes dans les présentoirs ad hoc , puis une soucoupe de pâtée, les parfums étant variés pour plaire à tous … d’habitude ça fonctionne sans problème, tout le monde est content de son régime. Ce matin, un face à face dangereux a eu lieu. Le petit Gribouille, un petit présent du destin pendant l’été qui avait disparu en septembre (après m’avoir tout excité expliqué quelque chose que je n’avais pas compris malgré mon efficience en langues étrangères) et qui refait surface tout guilleret depuis une quinzaine, a jugé bon de se montrer au moment du rassemblement des troupes. Le grand chef s’est mis à gronder en s’approchant, Petit Gribouille s’est lancé dans un duo lyrique dont je prévoyais l’issue avec terreur. Je me suis donc placée entre les futurs combattants en expliquant à chacun que l’autre était si gentil (avec caresse ostentatoire pour faire rentrer l’idée dans les têtes) qu’il n’était pas question de lui sauter dessus, et que chacun doit faire un effort pour supporter l’autre ou supprimer la crainte qu’il inspire. Ne me croyez pas si vous voulez : après vingt minutes d’exhortation sur un ton paisible, voire incantatoire et endormant, les grondements se sont tus et chacun est parti dans sa direction d’un air victorieux. On devrait m’envoyer en Syrie ou en Centrafrique.