Peut-être vous rappelez-vous, mes belins-belines, une démarche par devant les tribunaux qui avait, il y a quelques années, frappé la population d’ébahissement. Il s’agissait d’un trentenaire qui décédait, rongé par trois cancers à la fois, me semble-t-il – poumons, larynx, cordes vocales – mais qui, dès l’âge de douze ou treize ans, était fier de fumer ses deux paquets par jour. Quand on travaille aussi activement à son destin, on fait disparaître totalement la notion de tragique sur laquelle j’insiste avec délices de temps à autre dans mes propos. Mais la mère avait trouvé motif à protestation sur la voie publique, puisqu’elle attaquait l’Etat sous prétexte qu’il n’avait pas assez expliqué à cette pauvre victime de la non information que le tabac était un poison mortel – d’où la demande de dommages et intérêts d’un montant extravagant, histoire d’apprendre à la chose publique où étaient ses devoirs. Je ne pensais pas pouvoir trouver d’exemple plus ahurissant d’inconscience ou de cynisme d’une rare sottise, mais voilà que l’actualité m’en offre un que, mes agneaux, je ne peux pas ne pas partager avec vous. Il s’agit cette fois d’un terroriste – un vrai : formé au Yémen ou en Syrie, devenu expert à la fois au maniement des armes explosives et en endoctrinement fanatique, en quelque sorte une bombe ambulante – que la nation n’avait pas été capable de garder parmi les siens avant de le laisser s’envoler vers des lendemains qui explosent. Oui, vous avez bien entendu : c’est la mère – encore la mère – qui accuse l’Etat de n’avoir pas empêché ce naïf adolescent d’aller voir ailleurs une école plus engageante à suivre que les classes primaires de la République. Autrement dit, avant d’interdire à ce charmant aventurier de rentrer sur le territoire français parce qu’il représentait un danger d’évidente criminalité, il aurait fallu lui interdire de se préparer à un destin djihadiste qui le bloquait à notre frontières au mépris des tendres liens familiaux. J’avais préparé une liste de choses à reprocher à l’Etat, mais j’avoue que je n’y avais pas inclus celle-ci.