Si je me taisais, dites un peu…
Il faudrait bien qu’un beau jour je me misse en grève,
Tout simplement pour voir ce que vous en diriez.
Je fonctionne en effet, pour vos beaux yeux, sans trêve,
Avec programmes tels que vous les choisiriez
S’ils n’étaient pas déjà des programmes de rêve
Bichonnés, chouchoutés, sur le volet triés.
Tout cela de mon fait – car, mes belins-belines,
Vous l’imaginez bien (comment donc autrement
Cela se pourrait-il ?) tout ce que j’imagine
De beau, de bon, de vrai, d’utile ou de charmant
(sans, hélas, les illustrations des magazines)
Passe dans le savoir de mon enseignement.
Ainsi jour après jour la manne spirituelle
Que j’ai choisi, amis, de déverser sur vous
(En quantité, bien sûr, pauvres anges sans ailes,
En répétant, et je vous jure qu’il faut tout)
Tente de colmater avec foi, avec zèle,
Dans vos petits cerveaux l’abondance des trous.
Oui, c’est moi qui choisis, oui c’est moi qui cogite,
C’est de moi que dépend sujet et contenu.
Que l’humour me détende ou le courroux m’excite,
Vous y passez, que ce soit bien ou mal venu !
Entre minerai brut et brillant des pépites
Ironie sans pitié, sarcasme saugrenu,
Grammaire qu’à grand peine il faut qu’on ingurgite
Syntaxe des Latins, ablatif absolu,
Tout ce beau vrac vous est offert sans autre invite
Que de cliquer mon blog avec vos doigts menus :
C’est pourquoi, si rumeur de grève en moi s’agite,
(Attention : vous aurez tous été prévenus),
Littérature, art ou philo, calculez vite
Les agréments divers que vous aurez perdus.