Dans quelque soixante-dix jours environ va se clore une année que l’ONU avait décrétée « Année de la Palestine ». Je m’étais fort réjouie l’an dernier, au moment où la nouvelle s’était répandue, car il me semblait enfin juste qu’on rétablisse le droit à la parole et à l’attention pour un pays qu’on muselait depuis déjà de trop nombreuses décennies de douleur et d’iniquité. Et je crois que les gens de bonne volonté, ceux dont on parle benoîtement au moment de Noël, ont attendu eux aussi des choses - des changements, un apaisement, un desserrement de l’étau qui broie ce pays mutilé, bref quelque chose qui pourrait donner une lueur d’espoir à ses habitants en train d’être sciemment et impitoyablement expulsés déracinés dépouillés de tout. On n’a pas voulu voir leur résistance pacifique, leurs démonstrations de patience : ce qui était presque comme une joue tendue a été délibérément interprété comme la plus offensante, la plus violente des provocations. La provocation des pierres et des gamins contre les tanks et l’armement lourd de l’armée la plus sophistiquée et la mieux entraînée du monde… Où est David ? Où est Goliath ? Il conviendrait de ne pas se tromper dans la distribution des étiquettes. Et cette implacable et brutale dépossession des uns au profit des autres, cette oreille sourde tournée vers le reste du monde qui crie Holà ! avec trop de mollesse, cette lâcheté des nations qui se croient débarrassées de leur devoir moral une fois qu’elles ont dit « Allons allons, il faudrait peut-être remiser les armes, et rétablir la libre circulation des gens sur leur territoire, et ne pas arracher les oliviers d’autrui au moment de la récolte, et ne pas s’emparer de terres et de maisons qui ne sont pas à vous, allons allons », cela c’est un tout. Et il suffirait que la vision du reste du monde fût un peu plus éclairée, comme au temps du despotisme des Lumières, pour que pût basculer ce déséquilibre inacceptable vers un rétablissement de la normalité : chacun chez soi à cultiver son jardin, d’autant que les jardins des uns ont tous été pris sur la surface du jardin des autres.