Vous avez peut-être remarqué, au cours de vos visites chez les opticiens, que les textes imprimés en grosseurs différentes sur une tablette de bois avaient quitté la morosité absconse de Descartes ou de Chateaubriant et adopté, au grand dam des âmes sensibles, un texte décrivant le passe-temps d’enfance favori du jeune Pagnol : c’était de chiper du pétrole dans la remise, de creuser un trou dans les fourmilières qu’il avait repérées, d’y verser le pétrole et d’y craquer une allumette, d’où feu de joie et même feu d’artifice, chaque fourmi projetée en flamme dans les airs contribuant au spectacle glorieux. J’ai dit à qui de droit ce que je pensais de la banalisation de pareil texte, quelles que puissent être d’autre part ses capacités à tester le niveau de lecture des consultants. Mais si je cite la chose, c’est de voir s’agiter les grands de ce monde comme jamais encore ils ne l’avaient fait. Jusqu’à présent, à tour de rôle et chacun de son côté, ils avaient agité des bâtons dans la fourmilière, vigoureusement ou mollement, selon l’humeur du moment et selon le cas. Parfois par deux ou trois, parfois en solitaires, chacun trouvant opportun de s’y mettre sans consulter les autres. Voilà que soudain (et je ne veux pas me lancer dans une analyse de la situation, chacun de vous peut fort bien constater comme ça empire) ils s’agitent tous en même temps, virevoltes comprises (on joue facilement aux chaises musicales à ce niveau, c’est au niveau du sol qu’il y a du dégât), ça voyage, ça se consulte, ça se blinde, ça s’offusque, ça boude, ça se sourit avec tendresse, ça se bise, ils ont de l’olivier plein les poches, mais eux aussi… ils ont tous du pétrole ! Ah ! le beau feu d’artifice qui se prépare ! Vous bousculez pas, on sera tous au premier rang pour les retombées.