Mon amie éditrice a fêté samedi les vingt ans de l’existence de sa firme (et je ne vous dis pas les privations, faux espoirs, promesses d’autrui non tenues, manutentions, déceptions, économies de bouts de chandelles, courage, flair, intuition, mobilisation permanente, amour du livre… à inscrire à son compte : vous ne me croiriez pas) et dans la liste des célébrations prévues elle a inscrit une heure de press booking à propos de quoi j’ai voulu avoir des précisions. Elle avait choisi cette appellation à cause de book, sans savoir que booking signifie, en anglais tout du moins, réservation. Comme speed, en argot de drogués, veut dire drogue, on pouvait croire que pendant une heure elle allait nous offrir un guichet où les tractations sur la drogue se feraient joyeusement et hardiment. Or, en échange de ma leçon de vocabulaire, elle m’a appris ce qu’était la chose, de moi inconnue : six auteurs, pendant dix minutes chrono, présentent leur dernier ouvrage à un public qui passe de l’un à l’autre, chaque auteur devant répéter son petit boniment six fois devant un public renouvelé. Pour compenser ce petit inconvénient, le public en une heure acquiert des lumières sur six bouquins, ce qui gagne beaucoup de temps pour tout le monde (d’où le terme de speed, qui veut aussi dire vitesse : je me demande si Coup d’œil express sur les livres ne serait pas la meilleure traduction à proposer, en tout cas je la propose). Je suis arrivée trop tard à la manifestation de ces vingt ans d’obstination réussie pour avoir vu les avantages et les inconvénients de cette ouverture aux textes par leurs auteurs : de là où je vois (et peut-être bien que je suis comme sur un cheval au galop pour bien juger, comme disent mes amis canadiens) il me semble que ce serait plus simple de déplacer les auteurs plutôt que le public une fois bien installé. Je m’amuse tellement à voir comme on complique les choses, le plus souvent…