Comme la chute bien réussie d'une nouvelle bien structurée, le dernier vers d'un poème hugolien frappe par sa capacité à conclure. Dans Les Pauvres Gens, la femme du pêcheur lui annonce à son retour (fatigué, après une pêche difficile) que la voisine vient de mourir en laissant deux enfants tout seuls. La réaction de l'homme est immédiate : "Diable! diable! fit-il en se grattant la tête, / Nous étions déjà cinq, cela va faire sept..." - et il donne l'ordre à sa femme d'aller chercher les orphelins. Mais, dans la simplicité du geste qui suit, le poète nous fait percevoir la simplicité du coeur : "Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà!". Avec ces mots toujours éclatants dans leur modestie, la conclusion s'impose, l'histoire est finie de manière satisfaisante. On pourrait chez Hugo trouver quantité d'exemples du même type, répondant à la même fonction et terminant un poème. "Le coup passa si près que le chapeau tomba / Et que le che val fit un écart en arrière./ "Donne-lui tout de même à boire, dit mon père". La grande leçon morale est brandie à chaque fois dans les termes les plus humbles; on la reçoit directement en fin de poème, l'émotion se mêle à l'apaisement procuré par l'impression de clôture : ainsi après que Josué soufflant dans sa trompe ait accompli six tours de Jéricho sous les rires des habitants incrédules devant sa prophétie, "A la septième fois les murailles tombèrent". Eclatante grandeur de la force du prophète inspiré par Jéhovah... Ou encore, indication solennelle et terrible que le remords du meurtrier sera sans fin, "L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn". La plupart de ces vers de clôture sont cités comme on citerait des proverbes; tirés de leur contexte, ils expriment surtout la sagesse de ces constatations satisfaites, mais elles sont conçues comme le couronnement de tout un cheminement poétique (la fuite de Caïn, la marche de Josué, la bonté des pauvres gens, la générosité du général chevauchant pensif"au soir d'une bataille") qui nous a emportés dès le premier vers...