HACHIS ET GRATINS
Savez-vous pourquoi les tomates farcies sont à présent loin d'être aussi savoureuses que "dans le temps"? (le seul fait d'employer cette expression situe sans erreur possible la catégorie du commentateur, celle des quatre-vingts ou quatre-vingt dix printemps, ce qui signifie qu'ils ont connu les délices simples mais inoubliables de la cuisine bourgeoise d'avant-guerre et en ont gardé la nostalgie, faute de pouvoir y recourir encore de nos jours). C'est qu'on n'y met plus ce que j'y mets, à la sueur de mon front : les restes jalousement conservés des jarrets de veau, pot au feu, blanquette, poulet rôti, roastbeef passés au hachoir avec oignon blanc, persil, ail, échalote, oeufs, jambon blanc, mie de pain trempée dans du lait, fromage râpé - le tout manié (oui, à la main, dans de grands saladiers, tâche grisante) avec sel et poivre, muscade, cumin et thym effeuillé... Pas besoin de mettre le nez au-dessus du mélange pour être déjà énivré. Et ne gâchez pas cette superbe nourriture de ménage en la fourrant dans des tomates si elles ne viennent pas de votre jardin : garnissez-en des plats à gratin bien beurrés, parsemez le dessus de petites noisettes de beurre, et au four en grande pompe! (Pardonnez à mon enthousiasme de gastronome qui gâte ses amis : moi je suis végétarienne mais j'ai tant de joie à préparer ce dont ils vont se régaler que je vous en ai donné la recette sans m'en rendre compte - profitez-en bien si le coeur vous en dit!).
