LE BALLET : SUITE
Sans doute certains d'entre vous se seront-ils demandé pourquoi j'ai flagellé ce pauvre Lac des Cygnes avec pareille férocité. Il est vrai que c 'est me singulariser de manière peut-être indécente, tant l'assentiment se fait parmi les foules pour encenser le ballet. Tutus vaporeux garantissant la poésie de chaque évolution, grâce des gestes, mains en couronne, des pointes comme seul moyen de translation pour faire croire qu'on glisse, qu'on vole, bref qu'on ne marche plus comme le commun des mortels - et n'est-ce pas là un rêve niché au coeur de toute créature humaine, avoir des ailes, voler ou, grâce à la danse, faire comme si l'on volait? Comment peut-on ne pas être fasciné, transporté, ébloui par cet aboutissement d'une carrière d'efforts destinés à sublimer les dons, voire le génie, de ces sylphides qui n'appartiennent plus à notre monde?. Comment ne pas être bouleversé d'imaginer le calvaire incessant auquel elles se soumettent? Eh bien précisément, je m'attriste de ces sacrifices sans limite, je les juge proches du déraisonnable, comme chez les voltigeurs du cirque qui risquent leur vie en volant d'un trapèze à l'autre - le tout pour la vaine gloire d'un spectacle... Et puis la musique n'est-elle pas déviée de sa nature, à servir d'illustration à cette gestuelle sur scène au lieu d'attirer pour soi une attention , une révérence sans partage? (Là encore, je sens que je vais me faire taper sur les doigts).
