ARACHNOÏDES
Dans le tout récent "Sine Die" où Eric Chevillard égrène les jours du confinement, nous aidant et par ses commentaires et par ses conseils, il nous parle en long, en large et en travers de sa petite araignée Lachésis. Bien sûr, il l'appelle d'un beau nom de la Grèce antique, on voit qu'il a fait ses humanités. Je n'ai pas eu pour ma part recours à ce vocabulaire flamboyant qui en bouche un coin à tout le monde et son père, mais j'ai aussi une araignée qui partage ma vie. Modestement je l'appelle Marie-Louise : mon aide ménagère nouvelle a poussé les hauts cris dernièrement, elle venait de la découvrir dans la rainure de ma fenêtre de chambre et s'affolait de voir ces grandes pattes noires - encore n'étaient-elles que repliées dans le sommeil, une fois dépliées et en pleine course c'est bien encore autre chose. J'ai dû intervenir fermement pour qu'on ne l'arrachât point à son biotope; à vrai dire Marie-Louise partage essentiellement le bac à douche avec moi. Je n'ouvre jamais le robinet d'eau chaude avant d'avoir vérifié si elle ne se tient pas dans un espace où on la voit : si elle est ailleurs, si elle se cache, alors tant pis pour elle, notre contrat ne couvre pas tous ses risques. J'ai du mal à faire admettre ce compagnonnage qu ne demande rien à personne : lorsque, en retard pour le départ vers le restaurant où m'on fils m'invitait, j'avais en toute innocence expliqué qu'il m'avait fallu attendre que Marie-Louise libérât le bac à douche pour que je l'y succède, l'ire de ce fils n'était pas causée par mon manque d'autorité domestique, comme je l'imaginais, mais bien par l'existence même de ce duo indigne (les chiens aboient, les caravanes passent).