RIVALISER AVEC POPEYE
Rien de tel pour corriger l'anémie que de vous bourrer l'estomac de diverses denrées appropriées. Je devine bien qu'on a dû combiner là-dedans du fer, du potassium, pourquoi pas du sulfate et du manganèse, en évitant la soude caustique et le cyanure. En tout cas le fabricant nutritionnaire s'efforce de dissimuler le goût de métal sous des arômes trompeurs qui ne trompent guère. Ces petits pots par lesquels on essaie de vous enchanter s'appellent des crèmlines et sont censés évoquer le baba au rhum, la framboise, le caramel ou la vanille, la tarte meringuée (!) ou la tarte Tatin (!!) : l'invention débridée des nutritionnistes se borne à l'étiquetage et non à la recherche de la vérité, ce qui règne incontesté sur tous ces parfums prétendus se bornant à une vague senteur douceâtre à saveur sucrée à l'aide de tout autre ingrédient que du sucre. Il me faut m'incliner cependant sur l'efficacité du traitement : l'ingestion de ces suppléments deux fois par jour, loin des repas pour un maximum d'effet et privée d'attrait dès le départ, en arrive à se faire lourde, pesante, peu digeste, et atteignant un degré étonnant d'écoeurement. Bingo! c'est la dernière phase du traitement, le but à atteindre : l'étiage des provendes requinquantes est à son top, on peut tirer l'échelle c'est-à-dire jeter au recyclage le dernier petit pot de crèmline une fois vidé. Désormais la force de Popeye a réinvesti votre organisme, et même mieux que chez lui où les épinards ne dopent que les avant-bras.