EVOLUTION DES MOEURS
Dans les films d'avant-guerre, le fin du fin de la manifestation érotique était, en image finale, le baiser des amants enfin d'accord - et on ne voyait rien du tout, car l'image montrait surtout la nuque du monsieur élégamment penché sur la dame. Depuis, certes, on a fait bien mieux, non seulement en montrant tous les détails de l'opération mais en y joignant la frénésie du déshabillage express et bien entendu la variété des figures à l'horizontale. C'est devenu d'une banalité écoeurante, et tandis qu'il y a encore une vingtaine d'années les commentateurs du film annonçaient "une scène torride", on ne vous prévient de rien du tout, les comédiens et comédiennes se montrent dans leur réalité édenique sans le moindre problème : la révélation de ce qu'on a de plus intime s'effectue comme on se mouche. Cette évolution de la morale est venue progressivement, mais à pas de géant, et il est intéressant de noter qu'elle s'accompagne de pareille libération de l'opinion longtemps tenue pour farouchement secrète, l"opinion religieuse. Personne - si c'est là sa manière de penser - n'hésite plus à se dire athée, commentateurs artistes auteurs politiciens, on le précise au cours de la conversation comme on dirait "Je suis allergique aux pollens" ou "Mon grand-père est mort à Verdun" ou, pourquoi pas encore? "J'ai horreur de l'ail dans la salade" : c'est vous dire si cela rentre dans les entretiens courants.