COMMENT DIT-ON?
Boire tout son soûl, chacun comprend bien ce que cela veut dire. Manger à satiété aussi, ça se comprend parfaitement, de même que dormir à poings fermés. Dans tous les cas cela indique qu'une limite est atteinte, comme si chaque individu avait enfin atteint la quantité de fourniture vivrière à lui allouée
dans les trois domaines essentiels à sa survie. Trop manger, trop boire, trop dormir constituent des dépassements dangereux, encore qu'ils se pratiquent tous les trois fort allègrement selon les occasions et les individus. Mais comment trouver le vocabulaire qui puisse faire comprendre à autrui qu'on arrive à la limite de la pratique de la lecture, qu'elle ne vous apporte plus rien depuis quelques jours sans doute parce que vous avez trop lu, en chaîne comme les fumeurs enragés? C'était non seulement l'occupation normale, la main avait sans cesse un livre au bout des doigts, l'index et la moitié de la paume garantissant qu'à la reprise on retrouverait la même phrase, les mêmes mots - c'était le troisième poumon, le deuxième coeur, l'individu vivant avec lui une autre partie de sa vie, à la jonction de l'autre, peuplée de gens qu'on ne connaissait pas au dehors et emplie de pensées et de songes impartageables. Que devenir si ces fonctions semblent atteindre la satiété?