21 janvier 2009
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Ce qui s'est passé hier pour nous en France à partir de 16 h (et encore : je n'ai pas assisté à la messe matinale, avant couronnement) m'a détournée du grave sujet
qui nous occupe, à savoir l'intervention d'une invention éhontée dans le rassemblement des documents reconstituant la vie d'un individu qu'on a choisi de faire revivre pour le monde. Le faire
revivre, d'accord : il y a toujours des oisifs que cela peut intéresser. Le faire revivre juste, c'est-à-dire dans sa vérité d'existence et d'attitude, de moralité et d'action, il me semble
que ce doive être un minimum, ou pour mieux dire l'essentiel, en dehors de quoi ne pas déborder sous peine d'amende. Eh bien il apparaît (il m'apparaît en tout cas - me trompé-je?) qu'on fait
volontiers fi de cette conception aussi logique qu' éthique. Et il ne s'agit pas, ce qui pourrait être, ce qui devrait même être accepté sans problème, de tirer des faits rigoureusement collectés
et analysés des interprétations divergentes : cela m'étonnerait que tous les ouvrages se voulant scrupuleux qui concernent les mêmes hommes politiques - Churchill, De Gaulle, Staline, Rabin, le
Che... - aboutissent au même résultat, à la même vision, ce ne serait même pas à souhaiter, certes non. C'est de tout autre chose qu'il s'agit avec cette mode contagieuse qui favorise la
désinvolture, la distorsion, le mensonge par omission ou directement pondu. Avec ou sans son piédestal ou son aura, l'individu célèbre choisi comme cobaye pour le traitement littéraire devient un
joujou, il n'a plus le droit de dire quoi que ce soit, il n'a même plus un droit de regard sur ce que devient sa forme extérieure, qu'on boursoufle ou regrigne à loisir. Et je ne dis rien de ce qui
peut être attribué à son personnage intérieur : comme si le dernier biographe survenu et décidé à s'attaquer à son parcours terrestre avait décidé d'imposer sa marque personnelle avant tout, afin
qu'on pût citer son nom de metteur en scène accolé à celui de son sujet et de préférence avant lui.
Finalement, je vais laisser cette piste, elle m'écoeure quelque peu. Si c'est devenu la mode, tant pis pour elle, tant pis pour eux tous. On n'est pas obligé d'y céder, ce n'est tout de même pas une épidémie contre laquelle on ne pourrait rien.Et qu'on ne vienne pas non plus me dire que c'est ce que je fais avec mes personnages, qu'ils ont bel et bien eu une vie avant que je ne m'en mêle, qu' ils étaient mes arrière-grands parents, ma grand-mère ou sa mère, des proches que j'avais connus - est-ce que je n'en faisais pas mes sujets d'analyse, des objets de recréation,en déformant sciemment parfois leur personnalité, en inventant carrément lorsque je ne savais rien d'eux ou pratiquement rien? Je répondrais volontiers qu'en effet je reconstitue avec le maximum de soin et d'authenticité les traits de caractère qui font un personnage, que je l'écoute vivre et dire, que je le regarde faire, et que, quand les blancs d'un anonymat inguérissable rendent sa fiche d'existence illisible, je la complète de ma propore main. Et selon mon bon vouloir, selon ma fantaisie. Pire encore : selon les besoins de mon histoire, des développements affectifs ou psychologiques sur lesquels j'ai choisi d'axer les évolutions. Pour autant je me sens la conscience à l'aise : car si je ne leur avais pas donné cette vie, ils seraient totalement engloutis dans l'oubli, dans la mort. Je leur ai donné la voix, les battements de coeur, les réflexes et les passions bonnes ou mauvaises...Tout cela à partir de zéro ou presque. Quant à ceux que je connaissais, dont je connaissais - souvent pour en avoir été témoin - les éléments de vie, je me conformais à la véracité du souvenir, je n'inventais rien, quitte à interpréter, bien sûr. Mais tout ce que je leur attribuais était don, généreux le plus souvent. Quel rapport voyez-vous avec la maltraitance de gens qui avaient déjà, d'eux-mêmes, laissé une trace - leur trace, bonne ou mauvaise également - et qui désormais ne réapparaissent plus que sur palimpseste? Et tout le monde sait que sous un palimpseste ce qui était a été supprimé, et de belle façon...Réfléchissez, bonnes gens, avant de vous plonger dans les biographies qui dissimulent leur fausseté sous le prétexte d'une mode contagieuse. Allez saluer vos chats, vous verrez qu'ils vous enseigneront la sagesse. A demain.
Lucette Desvignes
Finalement, je vais laisser cette piste, elle m'écoeure quelque peu. Si c'est devenu la mode, tant pis pour elle, tant pis pour eux tous. On n'est pas obligé d'y céder, ce n'est tout de même pas une épidémie contre laquelle on ne pourrait rien.Et qu'on ne vienne pas non plus me dire que c'est ce que je fais avec mes personnages, qu'ils ont bel et bien eu une vie avant que je ne m'en mêle, qu' ils étaient mes arrière-grands parents, ma grand-mère ou sa mère, des proches que j'avais connus - est-ce que je n'en faisais pas mes sujets d'analyse, des objets de recréation,en déformant sciemment parfois leur personnalité, en inventant carrément lorsque je ne savais rien d'eux ou pratiquement rien? Je répondrais volontiers qu'en effet je reconstitue avec le maximum de soin et d'authenticité les traits de caractère qui font un personnage, que je l'écoute vivre et dire, que je le regarde faire, et que, quand les blancs d'un anonymat inguérissable rendent sa fiche d'existence illisible, je la complète de ma propore main. Et selon mon bon vouloir, selon ma fantaisie. Pire encore : selon les besoins de mon histoire, des développements affectifs ou psychologiques sur lesquels j'ai choisi d'axer les évolutions. Pour autant je me sens la conscience à l'aise : car si je ne leur avais pas donné cette vie, ils seraient totalement engloutis dans l'oubli, dans la mort. Je leur ai donné la voix, les battements de coeur, les réflexes et les passions bonnes ou mauvaises...Tout cela à partir de zéro ou presque. Quant à ceux que je connaissais, dont je connaissais - souvent pour en avoir été témoin - les éléments de vie, je me conformais à la véracité du souvenir, je n'inventais rien, quitte à interpréter, bien sûr. Mais tout ce que je leur attribuais était don, généreux le plus souvent. Quel rapport voyez-vous avec la maltraitance de gens qui avaient déjà, d'eux-mêmes, laissé une trace - leur trace, bonne ou mauvaise également - et qui désormais ne réapparaissent plus que sur palimpseste? Et tout le monde sait que sous un palimpseste ce qui était a été supprimé, et de belle façon...Réfléchissez, bonnes gens, avant de vous plonger dans les biographies qui dissimulent leur fausseté sous le prétexte d'une mode contagieuse. Allez saluer vos chats, vous verrez qu'ils vous enseigneront la sagesse. A demain.
Lucette Desvignes