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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 10:02

     Je garde ce beau titre, pourquoi non, tant que nous n'aurons pas quitté la climatologie. Le brouillard et la neige, je crois que nous en avons assez parlé. La pluie trépigne d'impatience qu'on parle d'elle à son tour. Allons-y.Je vous précise ici, mais au fond c'est certainement inutile, que c'est mon brouillard, que c'est ma neige, que ça va être ma pluie (je donne peut-être les avertissements en surnombre,  mais du moins j'ai la conscience tranquille). Pour évoquer la pluie, un écrivain est de toute évidence démuni en face d'un réalisateur de film, qui peut mobiliser les pompiers avec leurs lances si puissantes, faire ruisseler l'eau sur la vitre de ses caméras, qui dispose de souffleries violentes pour jouer les ouragans - toutes aides dont ne peut se prévaloir le pauvre type armé seulement de son bic et de son bloc (et si je fais intervenir l'ordi avec ses caprices ça n'arrange en rien les affaires). Il lui faut suppléer avec de l'imagination, du style, du souffle, mais précisément il devra de lui-même et sans imper patauger sous l'averse s'il veut que le lecteur se sente mouillé à son tour. Se mettre à la place du personnage, tout est là. Ce sera très exceptionnel que la pluie présente de l'intérêt à être décrite, donc ressentie, sans qu'elle ait de l'effet sur lui, car c'est lui qui est au centre du tableau (au fait, il faudra que j'aille voir sans trop tarder la pluie chez Robbe-Grillet par exemple : elle doit bien ici ou là avoir été choisie comme personnage à titre principal, ce serait passionnant de vérifier qu'il n'y a aucune implication d'humain mâle ou femelle dans ses parages). Pour moi le problème se pose autrement : il n'y a de la pluie ou de l'orage dans mes textes que parce que les humains mâles ou femelles sont impliqués dans leur déclenchement. L'effet peut porter sur l'humeur, à regarder la pluie par la fenêtre on peut se sentir découragé, frustré, usé, gagné par le sens de l'A quoi bon? si pernicieux et dévastateur. Mais l'effet peut aussi être directement dramatique : je me rappelle ma première lecture de "La Mousson" (qui ne figure plus pour moi au rang des impérissables chefs-d'oeuvre mais que j'avais découverte avec passion quand j'étais en seconde, je crois,  ça me changeait d'Emma Bovary). Il faut dire que c'était quand même une pluie un peu hors norme, puisqu'il y avait inondation dans le style grandes catastrophes, rupture d'un barrage je pense, d'où choléra, noyades en série, précipitation des rencontres amoureuses ( "Vous comprenez, nous n'avons pris aucune précaution", avait failli dire Ransom au père de Fern, ce qui me troublait infiniment) - en tout cas, le rôle dramatique de ces cataractes liquides était essentiel pour l'évolution des destins et j'avais apprécié à mon niveau de critique en herbe. Je n'ai pas l'impression qu'alors je m'étais dit qu'il s'agissait là d'un bon exemple à mettre de côté pour plus tard, mais la relation entre cause et effet m'avait frappée durablement. C'est peut-être pour cela qu'obscurément j'établis toujours un rapport entre la pluie et mes personnages, de manière qu'à la lecture on puisse sentir que l'arrivée de cette averse ou de cette tempête au beau milieu de ma narration n'a rien de gratuit. Je pense par exemple à diverses fonctions de cette eau du ciel à l'intérieur d'une seule et même nouvelle  (une nouvelle de moi, oui, et alors?) : dans "Affaire de Famille", l'ouragan de l'Apocalypse accompagne le retour  humilié des quatre soeurs de l'église jusque chez elles après que la dénonciation par le prêtre des impudeurs de Tante Julie (on voyait son bras nu entre la pliure du coude et la manchette de son gant, Babylone se profilait dans cette dégradation des moeurs) eut plongé la famille dans l'opprobre. Oui, l'Apocalypse s'était déclenchée à leur endroit.

     Au fait, j'ai anticipé lourdement sur mon programme de climatologie : la pluie ne s'est déchaînée qu'une fois les soeurs ramenées pantelantes à leur seuil, c 'est le vent qui s'est chargé de ce transport hurricanesque (ça n'est pas pire, côté vocabulaire, qu'abracadabrantesque, croyez-moi). Oui, je ne devais parler du vent qu'après en avoir fini avec la pluie, eh!bien voyez, je n'en ai pas encore fini. Encore avec la même nouvelle, et puis avec d'autres. Pendant quelques jours notre printemps sera pluvieux. Mettez les pépins à l'abri, rentrez les chats, tiédissez leur lait. A demain.

                                                                                                Lucette DESVIGNES

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