Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 18:40

     Ici et là dans mes nouvelles ou mes romans, il est fait de fines allusions aux gens qui ont peur de l'orage. Une fois c'est ma cousine Rose-Marie (pour tout vous dire je n'ai aucune cousine Rose-Marie) ou c'est Leni electrisée par la tempête qui s'annonce (ou peut-être l' arrivée de Mich, hein, allez savoir!). Des frayeurs maladives qui établissent honteusement la domination de la guenille sur la volonté de résistance ou, plus exactement, le sens de la dignité. Je les décris, surtout la cousine Rose-Marie, recevant l'électricité de l'orage de loin, avec des antennes (des capteurs, dirons-nous pour faire branché) ou des récepteurs (pour faire plus simple, du moins à ce qu'il me semble), de manière à se trouver dans les peurs et les angoisses bien avant tout le monde. Pas encore dans la terreur, non, ça c'est pour plus tard, le grand moment du grand dzim boum boum, tonnerre éclairs foudre tout le tremblement. Mais c'est déjà un malaise, une inquiétude qui l'empêche de penser à autre chose, de faire autre chose que commencer à trembler, à lâcher ce qu'elle tient, à sursauter au moindre courant d'air. Elle repère mine de rien les prises de courant pour s'en éloigner au maximum, évite les fenêtres, se réserve déjà en pensée les petits coins tranquilles, sombres, sans ouverture, dans l'espoir de ne pas se trouver sur le trajet d'une boule de feu ou d'un long serpentin de flamme, on lui a dit que c'était comme ça la foudre. Au fur et à mesure que la kermesse se rapproche, elle compte, les yeux fermés, à quelle distance l'enfer se trouve, elle calcule le répit qui lui est encore laissé, elle compte les secondes à partir d'un coup de tonnerre, elle multiplie par 265 mètres, elle obtient à un cheval près un nombre qui ne lui dit rien, pourtant ça devrait bien dire quelque chose,    ça devrait représenter la longueur parcourue par le son, mais elle mélange certainement et puis du moment que ça n'est pas en anciens francs ça ne signifie rien pour elle, et d'abord il aurait fallu faire l'opération sans se tromper et ma foi, le calcul de tête...Quand les fracas se rapprochent - le crépitement de la pluie et son bruit de cailloux, les explosions sèches (bien pires que les grondements qui roulent sans trop vous menacer), les lumières aveuglantes qui vous frappent la peau aussi bien que le regard - le sens de la dignité de la cousine Rose-Marie se dilue dans l'ignominie, ele devient une pauvre chose, une pauvre bête, elle gémit, si ça dure trop longtemps ou si ça claque trop fort elle se cache sous la table, la boule de flamme ne la trouverait pas là tout de même, elle se terre comme un chien, des fois - pas trop souvent mais des fois - elle aboie. Je vous ai donné ce portrait de la cousine Rose-Marie pour vous donner une première idée du personnage, mais je m'aperçois que le temps se couvre, gros nuages noirs sur l'horizon, grands souffles de vent tordant le sommet des arbres autour de moi, quelques roulements au loin : je ferais mieux d'éviter tout contact avec l'électricité, voilà les premières gouttes de grosse pluie, oui ça va être un orage, à demain mes belins-belines, rentrez vos chats, je vais avoir juste le temps de repérer où sont les prises de courant.

                                                                                                               Lucette DESVIGNES.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de lucette desvignes
  • Contact

Recherche

Liens