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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 09:55
     J'avais toujours eu horreur des dictionnaires, quand j'étais petite fille. La vérité était qu'en principe je devais chercher le sens d'un mot (pas encore droit au Nouvau Petit Larousse Illustré, uniquement droit à un Rozoy et Demartini à l'usage des enfants qui, outre qu'il était privé d'image, non seulement avait l'air de renvoyer en ping-pong une définition à l'autre, mais encore ignorait absolument tout ce qui concernait le sexe et la reproduction - c'eût pourtant été utile, voire bienvenu, tant pis) et que, de fil en aiguille, je m'égarais au contraire bien loin de mon point de départ : je me vexais de me découvrir si faible en face du charme des mots, tout ce que j'avais ratissé pendant mes errances d'une page à l'autre ne restant d'"ailleurs pas dans ma mémoire autrement que par les sonorités ou les orthographes souvent incongrues, c'était donc une perte de temps et parfois même le point de départ se trouvait oublié dans l'aventure. A partir du moment où les dictionnaires devenaient pour moi le passeport pour l'entrée en terrain étranger - le Gaffiot pour le latin d'abord, puis le Bailly ensuite pour le grec - leur utilité devenait flagrante, mais en théorie non plus ne devait pas s'étendre aux langues vivantes : les "essays", ces compositions anglaises délicieuses, devaient tous les quinze jours porter en haut et à droite l'inscription "Made by myself in xxx minutes and without a dictionary", profession de foi que la plupart de mes copines ne suivaient nullement mais que je mettais mon point d'honneur à respecter scrupuleusement. Et orgueilleusement, aussi : oui, j'étais capable de rédiger tout mon "essay" sans recours au dictionnaire, j'avais tout ce qu'il me fallait dans les réserves de ma mémoire, plus l'art de m'en servir (j'aurais d'ailleurs eu aussi l'art de me servir du dictionnaire interdit, mieux que les copines qui traduisaient impavidement "par-dessus tout" par "overcoat all"). D'ailleurs le "tout anglais" qui à la rigueur se trouvait toléré à partir de la Seconde avait comme avantage à mes yeux de joindre à la définition qui ainsi rendait son office un bout de texte qui "parlait anglais", c'était toujours ça de pris au passage. Et puis après, bien sûr, plus question d'interdire la pratique du dictionnaire quand on vous lance dans l'apprentissage de la langue désormais à enseigner : ça devient sérieux,  on évite les vieux dictionnaires, on fait des économies pour se payer les plus gros, les plus efficaces, faussement les meilleurs... Eh bien figurez-vous, mes belins-belines, qu'à feuilleter en professionnelle lesdits gros dictionnaires, je m'agace à rencontrer toujours aux mêmes endroits (et naturellement les mots restent bien à leur place, ce sont les pages qui s'ouvrent d'elles-mêmes) des mots qui s'offrent et dont je n'ai rien à cirer. Ainsi "serre-bauquière", "ptyaline", "concréfaction", "enverjure", "freinte", et d'autres aussi irritants : si vous les connaissez, si vous les pratiquez, prévenez-moi! Ce serait un bon moyen pour vous de sortir de l'ombre avec un gros plus en votre faveur, j'aurais pour vous un  respect, ah! un respect... comme on dit dans Marivaux. Vous avez le marché en main, la balle dans votre camp, allez-y, foncez! A demain, bises aux minets.
                                                                                                     Lucette DESVIGNES.
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