5 octobre 2009
1
05
/10
/octobre
/2009
08:45
En disant "boulot" (pas plus enthousiaste que vous, vous savez), je pense soudain à tous ces noms en -ot qui sont prononcés avec une moue
dépréciative. Mégot, ragot, magot, marmot, tacot, poulbot, petiot, rafiot, fafiot, fayot, cageot, sabot, barcot, cagot, matagot... Oui, il n'y a peut-être que grelot qui sonne un peu plus
gaiement - exception qui confirme la règle - ou encore lérot, c'est si beau un petit loir!Je suppose qu'en linguistique on doit étudier ces nuances apportées par un suffixe, je n'avais pour ma part
jamais entendu parler de ces vocables qui incluent le mépris dans leurs sonorités finales, mais je savais que les noms en -aille étaient voués à l'opprobre : mangeaille, pierraille, grenaille,
racaille, poiscaille, valetaille, volaille, marmaille, fûtaille... Pourtant, la mention du lérot m'offre l'occasion de vous raconter une histoire - vous avez pu voir que je les aime, les histoires,
et davantage encore s'il m'est donné d'en être la conteuse (qu'est-ce que j'écris donc, après tout, sagas, romans ou nouvelles? des histoires, tout simplement, seuls changent les cadres, les
personnages, les époques, les tonalités, ce sont des histoires qu'on écoute comme si je les disais). Je devais donc faire une conférence sur la terre - celle des potiers, celles des paysans, celle
des vignerons, avec illustrations tirées de mes livres, bien entendu. La conférence avait lieu dans les anciennes étables d'une grande ferme ayant appaortenu au mathématicien Monge, un bel ensemble
de bâtiments servant de centre historique modèle. Dans les étables avaient été pieusement conservées les rigoles pour l'évacuation du purin, à titre documentaire (mais nettoyées, tout de même).
Derrière moi, une impressionnante rangée de rateliers, au bois poli par le frottement des têtes et des museaux pendant des décennies. Soudain je m'aperçois que le public, jusque là fort
attentif, se met comme un seul homme à rire et à fixer quelque chose au-dessus de ma tête. Je me retourne et je vois un petit loir avec sa belle queue noire, en train de grignoter un épi de blé. Je
ne saurai jamais s'il l'avait apporté en en-cas pour se réconforter le moral pendant ma conférence. Je peux seulement vous dire que pendant une bonne demi-heure nous avons continué de conserve, moi
à parler (avec de temps à autre la tête tournée pour voir où en était le casse-croûte), lui à grignoter avec autant d"'élélgance que de discrétion. Vous comprenez à présent pourquoi je
répugne à ranger lérot parmi les vocables consternants. D'ailleurs, j'y pense, il y a aussi berlingot qui me revient en mémoire fort à propos. Décidément, la règle est confirmée par deux ou
trois bien jolies exceptions. A demain, au trot!
Lucette DESVIGNES.
Lucette DESVIGNES.