Je souffre fort souvent d’une alexandrinite
Qui vient me harceler dans mes meilleurs moments :
On pourrait croire en fait qu’il s’agirait d’un rite
Auquel je sacrifie toujours joyeusement.
Rien de tel ! Je commence à écrire, et très vite
Survient de douze pieds le sourd martèlement.
Comment lui résister, et pourquoi ? Au contraire,
J’ai l’impression que je suis choisie par les dieux,
Non certes pour porter message sur la terre,
Mais pour qu’ici ou là on m’écoute un peu mieux.
J’aimerais tant être entendue ! Or comment faire
Si peu de temps avant d’abandonner ces lieux ?
Je sais compter (je dis que non, mais c’est mensonge !)
Et je sais bien que l’horizon s’est rapproché
Où doit s’ouvrir pour moi le domaine des songes,
Celui qui va durer toute l’éternité.
Ne croyez pas d’ailleurs que la crainte me ronge :
J’aborderai la mort avec sérénité.
C’est seulement ma voix que je voudrais épandre
Aussi loin que possible afin que mes amis
Puissent savoir que j’ai pour eux des pensées tendres
- Tous mes amis, bien sûr, les grands et les petits –
Et que jusqu’au fin bout je veux leur faire entendre
Le son de ma tendresse en urbi et orbi.
Pardon d’avoir recours à cette prosodie :
Mais mon but est atteint si, en lisant, votre œil
Est retenu par la graphie (la poésie
Dûment hors de question, je l’avoue sans orgueil)
Et si venant de vous l’amitié attendrie
Se regroupe en bouquet déposé sur mon seuil.