Alors que j’hésitais entre deux sujets sérieux pour réjouir votre entendement de la matinée, mes belins-belines, le destin a décidé pour moi. A l’occasion de mon tour de jardin quotidien – je n’y œuvre point, mais j’y rêve, je vois déjà sorties de terre les moissons de fleurs futures – j’avise un minuscule chaton en train de boire avidement à une soucoupe remplie d’eau de pluie (nous avons quand même eu une averse il y a deux jours, quelle chance ! Autrement je n’aurais pas vu ce chat qui ne serait pas venu boire dans mon jardin). Un tout petit, un peu hirsute sans caresses ni léchouilles maternelles, que j’attrape et serre contre moi sans résistance de sa part. Pas de ronron non plus : peu habitué à être tenu dans les bras et cajolé. Rassure-toi, petit chat : avec moi cela va changer. Car je le garde, la question ne se pose même pas. S’il était à quelqu’un qui s’en soucie, il ne serait pas si maigre, il n’aurait pas un œil qui pleure – et puis il ne serait pas lâché dans la nature : on attend des semaines avant d’effectuer cette mise en liberté, il faut déjà s’assurer que le minet a compris qu’il peut rentrer par la chatière du sous-sol dès qu’il en aura envie, il ne faut pas qu’il croire qu’après l’avoir quelque peu restauré on le replonge dans l’abandon et la solitude. Il n’a rien de joli ce minou, il a du blanc et des taches fauves et noires, un petit visage fin que je trouve douloureux à cause de l’œil à soigner mais c’est ici l’effet de mon imagination galopante. Il a dévoré deux soucoupes de pâtée, une pincée de bifteck haché émietté, vaguement lichoté un peu de lait : quand il se déplace, il a l’air d’un petit tonneau à roulettes, ce qui ne l’empêche pas de sauter sur les meubles à la recherche d’une porte sans doute – ou peut-être tout simplement par curiosité, pour se faire une idée du décor et de l’environnement. Certains d’entre vous vont soupirer, mes belins-belines : ça y est ! elle va encore nous bassiner avec ses chats ! Mais d’autres vont dire : Tiens ! elle en a récupéré un de plus…J’avoue que ce n’est pas là plaire à tout le monde, mais mais mais…