Les baisers sur la bouche imaginés – et réalisés techniquement – par Benetton pour sa pub provocante ont de quoi frapper l’attention des foules. Le pape et l’iman du Caire, Mahmoud Abbas et Nataniyaou, Barak Obama et je ne sais déjà plus qui, Angela et Nikos – avec quelle tendresse ! – etc.etc., tous romantiques dans leur réalisme foncier, doivent autant faire s’arrêter les passants pour contempler les affiches que déjà naguère, lorsque ces mêmes affiches exhibaient le baiser d’une religieuse en cornette blanche et d’un prêtre italien au large chapeau de prélat comme on n’en voit plus chez nous. Mais, me semble-t-il, se pose alors une question fondamentale : comment rattacher cet exhibitionnisme cocasse à Benetton ? J’ai beau me triturer l’esprit et l’imagination, je ne vois ni le rapport avec la marque, ni la portée de ces élans amoureux avec la marchandise proposée au bon peuple. De grandes affiches, a-t-on mentionné ? Probablement aussi des placards dans les magazines et revues, une page entière grand format ? Je ne vois de toute façon pas le trajet intellectuel à parcourir pour aller de la marchandise à ces baisers en passant par Benetton (ou à Benetton en passant par ces baisers). Mais peut-être ne suis-je guère douée pour cette pratique sportive : quand je vois la succession frénétique d’images d’une gamine qui se coupe les cheveux, change de tenue, fait des moues, s’habille et se déshabille au centième de seconde, le tout pour aboutir à une voiture « dépersonnalisée », je perds régulièrement les pédales. Mes neurones qui se rouillent, de toute évidence. Ou les neurones des générations actuelles qui se déglinguent, ce n’est pas impossible non plus.