Il y a déjà plusieurs années que les quotidiens en mal de clientèle ont décidé qu’ils pouvaient contacter voire racoler l’ensemble du parc lecteur de journaux en séparant les formules, d’où ce supplément de fin de semaine qui tranche résolument avec le caractère plus grave des feuilles paraissant le reste du temps. Comme si, une fois le vendredi soir arrivé (Thank God ! it’s Friday..., disent les Anglo-Saxons avec conviction), on pouvait déposer à terre le fardeau des soucis des autres jours, l’actualité, les guerres, les problèmes politiques, la crise, l’effondrement des valeurs consacrées (à savoir, la banque et la finance : on ne peut plus proclamer fièrement « Fluctuat nec mergitur » ni pour l’une ni pour l’autre), la faim dans le monde, les conflits ravageurs, les catastrophes naturelles… Comme le disait une chansonnette suisse de ma jeunesse, « Fermé jusqu’à lundi » ! (avec de jolies paroles : « Et si l’on téléphone, Tant pis ! tant pis ! Le patron, la patronne, Tout le monde est parti ! »).On parle d’autre chose, allons, changeons de disque ! En tout cas, le changement fonctionne dans l’audiovisuel. (Vous remarquerez que les intermèdes comiques DSK se sont produits pour alimenter nos week-ends, y compris son retour : je vous dis que tout ça est mûrement planifié pour le divertissement des foules). D’où ce désir frénétique d’opter pour la rigolade, l’hilarité, les transports (de rire) en commun. Je suis ahurie de voir, en zappant avec la curiosité du Huron qui découvre la télé des fins de semaine, ces concours de stupidité, ces questions posées aux champions en conflit, cette concentration des médiocres pour gagner des mille et des cent, .ces convulsions dites culturelles auxquelles se prêtent des salles combles de spectateurs électrisés qui s’enrichissent durablement par le partage des émotions fortes : le suspens, le blâme, la déception, la jalousie, le triomphe. Si l’on pouvait capter à ces moments propices (et en regroupant les émissions de même type sur les diverses chaînes) l’influx cérébral de ces collectivités du samedi ou du dimanche, on pourrait sans problème sortir du nucléaire : il y aurait de quoi chauffer les appartements de plusieurs régions réputées froides, et ce seraient bien entendu des énergies merveilleusement renouvelables, puisqu’il s’agirait de la nullité humaine. Il faudrait suggérer à des chercheurs de se pencher sur la question.
