Je ne vois autour de moi que roses déformées, rouillées, les pétales collés, les têtes si chargées de pluie et de lassitude qu’elles sont prêtes à tomber, d’un bloc, et non comme d’habitude en éparpillant le trésor de leurs couleurs parfumées. Les hortensias sont en retard, les fleurs à peine formées au bout des branches et grosses comme des grains de semoule qui ne laissent pas deviner leur nuance. Quant aux phlox, j’attends avec impatience de les voir se manifester. J’en ai planté un peu partout, de toutes les couleurs m’a-t-on promis sur les catalogues (mais je reste sceptique au sujet d’un phlox bleu clair ou d’un autre bleu foncé que je suis censée avoir acquis ; je n’en ai jamais vu auparavant et j’ai dû, pour les obtenir, acheter un lot de phlox bicolores que je vais guetter avec méfiance). Seul point positif dans toute cette grisaille : pas besoin d’arroser. Je me préparais à le faire avec résignation, il faut ce qu’il faut tout de même pour des plantes transplantées de frais – mais Saint Fulbert (ou Saint Mamert, puisque Saint Rigobert collé entre Basile-Geneviève et Amélie-Epiphanie tout en tête du calendrier n’est pas convié avec Saint Gervais à reconstituer le « petit hiver » de la mi-mai) un des saints jardiniers, en somme, n’importe lequel, a sorti son petit arrosoir et n’arrive pas à le vider. Naturellement, l’arrosage ne se limite pas qu’aux phlox de mon jardin, c’est ça qui fait désordre.