Bien entendu, mes belins-belines, quand vous êtes en relation avec divers moyens de communiquer – puisque c’est le terme employé pour décrire que vous ne restez pas isolés, que vous avez la curiosité de savoir ce qui se passe en dehors de votre polygone de sustentation, donc que vous ouvrez vos oreilles aux bruits du jour – vous voyez s’ouvrir devant vos yeux un panorama de catastrophes et de malheurs, de détresses et de situations désespérées. Et c’est à cela qu’on va vous inviter à remédier, comme si la guérison de tous ces maux sortis de la boîte de Pandore dépendait de vous. Peut-être pas que de vous seul, mais en tout cas vous êtes mis en face de vos responsabilités : soit parce que vous avez contribué sans le savoir à l’action des forces du mal, soit tout simplement parce qu’on fait appel à votre logique ou à votre bon cœur en vous priant d’intervenir. D’où la multiplication des occasions de protestation auxquelles on vous invite à participer : dans la mesure où tout un chacun dispose d’Internet et peut se relier sans peine ni délai au reste de l’univers, les organismes chargés de coordonner les opérations disposent, eux, de la pétition comme outil aussi innombrable qu’instantané. Et j’en reçois, de ces pétitions, mes belines-belines ! Et il va sans dire que je fais mon tri, comme au cours du premier petit tour du marché quand on jette un coup d’œil aux prix et qu’on repère les éventaires où les qualités sont les plus tentantes. Oh que oui, j’en signe … Contre la violence faite aux femmes dans le monde, contre les conditions actuelles d’incarcération ici ou là, contre l’augmentation des loyers, contre la déforestation amazonienne, contre les fermetures d’hôpitaux, contre les traditions de bizutage… Je doute fort que cela serve à grand-chose, mais je le fais parce que je pense que je dois le faire. Et ne croyez pas qu’une fois la pétition signée je me découvre plus légère, vaguement plus méritante : je me sens un peu honteuse, au contraire, de n’avoir pu faire que ça…
