Est-ce le contexte calendaire, cette Toussaint à peine passée, cet Armistice évoquant les morts des guerres ? Est-ce aussi que j’ai reçu des commentaires, tous graves, sur mon sujet d’hier – la mort courageuse de mon voisin ? Toujours est-il que je me sens portée à y revenir. On vient entre autres de me parler d’une dame de mon âge qui a tout préparé pour après elle. C’est bien, c’est digne, c’est ce qu’il faut faire. C’est ce que j’ai déjà fait il y a longtemps : papiers à ranger et préserver, obsèques à organiser et à régler, consignes pour les chats à mettre en ordre (arrangements avec ma SPA locale – pas celle de Paris, grands dieux, oh que non ! je vous en parlerai un de ces jours, de celle-là – aussi bien pour mes résidents bien aimés que pour les SDF qui viennent matin et soir à mes resto du cœur et qui sont eux aussi mes bien aimés), dévolution des objets ou meubles que je voudrais voir hébergés chez des gens que j’aime (longues listes tâtonnantes, c’est en train depuis des lunes et c’est loin d’être fini, et cependant il faut se hâter, beline, la journée s’avance…). J’ai toujours pensé à la mort, jour après jour, je l’ai non seulement acclimatée en moi mais, même, naturalisée. J’y pense à chaque instant, sereinement, sans la moindre crainte, il m’arrive même de plus en plus souvent – un essoufflement trop marqué ? un passage à vide ? le coeur qui manque ? - de croire qu’elle est arrivée, je l’accueille sans problème. Ce que je refuse de toutes mes forces parce que j’en ai peur, c’est la souffrance. En face de la souffrance physique je ne sais pas ce que je ferais. Je perdrais tous mes moyens sans doute, tout contrôle sur moi-même, donc je ne serais plus moi-même si ma lucidité était atteinte. Mais j’en reste encore aux Si et aux Peut-être … c’est pour cela que j’enviais mon voisin d’hier qui sait, lui, et qui attend parce qu’il n’a plus beaucoup à attendre.