La noblesse même en fait de récompense – et dieu sait s’il y en a, de ces récompenses pour le mérite présent ou passé (imaginez un peu le sens de l’attribution de la Légion d’honneur à quelques pauvres vieillards au bord de l’abîme, qu’on véhicule devant l’Arc de Triomphe dans leur fauteuil roulant – en les protégeant tout de même de la pluie s’il y a lieu - et qui ont probablement oublié qu’ils avaient à peine vingt ans au Chemin des Dames ou à Douaumont) ! D’ailleurs, mérite, mérite… il faudrait déjà en discuter une bonne fois, du sens de terme. Comme c’est le moment de l’attribution des Nobels, j’ai laissé mon attention s’accrocher aux résultats qui pleuvent, au compte-gouttes, jusqu’à épuisement de la liste. Je remarque que les Américains sont les favoris des Suédois dans les domaines des sciences, de la médecine, de la physique, de l’astro-physique et autres spécialités rébarbatives et absconses. Dans le domaine littéraire, où j’aurais tout de même plus de chance de reconnaître au passage un nom connu, je guette chaque année, en vain, un nom à consonance américaine. Le dernier nobel de littérature a été attribué à Toni Morrison – à juste titre, certes, mais il n’y avait aucune raison d’arrêter là la distribution. Certes aussi la floraison magnifique de romans américains actuels rend la sélection délicate : il y a longtemps qu’on a dépassé le niveau des John Updike ou Philip Roth ou William Styron (auxquels le monde qui lit a longtemps pensé, avant de faire plier bagage à tout espoir de les voir citer quelque jour), mais il y a Pynchon (même si personne ne peut le lire : il produit beaucoup), il y a Paul Auster qui n’arrête pas de pondre, il y en a beaucoup d’autres qui pourraient garantir un choix convaincant. Non, toujours rien pour l’Outre-Atlantique ! Il faudrait savoir comment sont établies les listes du jury, avec quels apports adventices des nations, quelles consignes des lobbies cachés dans l’ombre, quels tripotages dans les ambassades… quels intérêts sordides aussi ! Ce serait bien finalement si la Suède s’ouvrait à la littérature américaine, ça nous préserverait du pire, nous – c’est qu’on a failli hériter de Quignard, alors qu’on avait déjà été pourvu de Le Clézio il n’y a pas si longtemps ! Qu’est-ce que c’est donc que ce niveau Nobel qui trgfexistait au temps de Beckett, de Garcia Marquez, de Claude Simon ? Est-ce qu’il s’est effondré en-dessous du Goncourt de ces dernières années ?
