Parmi les commentaires reçus de mes lecteurs après ingestion et digestion de « L’histoire de Colombe », ce qui me frappe le plus est qu’il s’agit, me confirme –t-on, du portrait d’une femme… puissante. J’ai donc manqué mon coup en novembre dernier. Mais vous me direz aussi que je n’en présente qu’une, dans mon roman, alors qu’il en fallait au moins trois pour gagner le cocotier. Et puis de toute façon il faut bien remettre toutes les pendules à l’heure : où en étais-je, moi, avec ma pauvre manante, au mois de novembre, hein, dites un peu ? Mais ça m’amuse de pouvoir me dire que si à temps j’avais présenté une histoire trois fois plus volumineuse, donc trois fois plus puissante, j’aurais pu avoir mes chances d’un pugilat sur le ring dont les éclats retentiraient jusque dans Landerneau. Le calcul auquel je me livre vaut bien, me semble-t-il, les calculs en sous-main qui président aux attributions de récompenses. Reste à savoir si l’étiquetage entraîne automatiquement la vogue : je n’ai pas l’impression que les derniers Goncourt, aphorismes délicats, explications en large et en travers des états d’âme des tortionnaires nazis, propulsions inédites de noms inconnus pour se donner sans grand mal « un petit coup de jeune » etc. aient mobilisé les foules pour leur faire faire la queue dans les librairies – pourtant, n’est-ce pas ce qui compte, au fond, pour l’écrivain qui essaie de vivre de sa plume ? Tout le reste est littérature, pourrait-on dire (demandez à Bedbeger, il sait de quoi il retourne, lui qui a toujours su comment transformer ce qu’aux Amériques on nomme « crap » ou « shit » en espèces sonnantes et trébuchantes – mais ça m’étonnerait qu’il vous transmette sa formule). A demain.
Lucette DESVIGNES.
