S’il y a une chose qui me réjouit, c’est bien cette levée de boucliers contre un certain philosophe qui a perdu une belle occasion de se taire. Pas un murmure en sa faveur : je jubile. Il est vrai que l’individu a déjà, sur mes tablettes, un bilan chargé. Ministre de l’Education à laquelle il a fait supprimer le titre de Nationale, censeur de tout et de rien, il vient les fins de semaine blablater sur le monde et ses turpitudes, urbi et orbi selon les occasions du moment. Officiellement philosophe, c’est-à-dire impénitent bavard ès-choses importantes sans en tirer jamais la moindre conclusion intéressante pour les autres (ce qui n’empêche guère lesdits autres de vouer à cette fausse science une révérence incompréhensible), il secoue ses boucles de jeune fille avec une grâce d’éphèbe, il module sa voix avec des inflexions chantantes de Castafiore qu’il se pâme d’être le premier à écouter, il s’empare du crachoir alors que l’autre bavard d’en face ne prend jamais la parole sans dire « si Luc veut bien me permettre », ce qui semble installer une hiérarchie entre eux dont on peut parfaitement se demander le bien-fondé. Il tranche sur tout, l’individu en question ; il voudrait voir Picasso supprimé du répertoire des peintres (en tant que philosophe il devrait au moins admettre qu’on puisse se poser la question en face de « Guernica » - mais je me demande si ce n’est pas la condamnation du Franquisme qui le gêne), il juge de haut, du bout des lèvres, il ne dit jamais rien de fracassant mais il croit qu’il enfonce les portes que les autres ont laissées ouvertes (en bon philosophe il ne voit pas que tout est déjà ouvert), bref, il fait fonction de bateleur officiel (puisqu’il touche sa pension d’ancien ministre plus son traitement de professeur en activité sans enseigner comme il le devrait), il susurre sans murmurer jusqu’à l’articulation des noms ni des dates ni des lieux, bref il laisse entendre qu’il était bien au courant des délits qu’il ne veut pas préciser mais puisqu’on en parle il pourrait en dire, de ces choses, ah oui il pourrait en dire, mais il ne donne pas de nom, il n’est pas une balance, il ne donne pas de date, il sait se tenir dans la dignité. Au centre d’un débat juridique qui, je l’espère, va s’envenimer à son égard, il croyait faire le malin, vêtu de probité candide et de lin blanc. Ne va-t-on pas réussir à le faire taire, ce bavoux irresponsable ?
