15 mars 2010
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Je ne sais si vous êtes comme moi, mes belins-belines, mais quand je vois ce printemps qui ne veut pas venir, je me mets désespérément à guetter les moindres indices qui
trahiraient son existence au-delà de son évidente mauvaise volonté. Vraiment il n'y en a pas beaucoup . Trois ou quatre crocus par-ci par-là, des feuilles de tulipes qui se pointent (mais elles
sortent résolument là où je ne les attendais pas, mes petits ronds autour des troncs de rosiers-tiges, pourtant bien combinés pour un effet boeuf en avril, sont tout décalés, les arbustes
vivaces n'ont pour la plupart pas tenu le coup dans les grands froids, le magnolia à feuilles persistantes et fleurs parfumées à la citronnelle délangé trop tôt de son voilage hivernal est
comme brûlé dans sa pousse majeure - à se demander ce qu'il en adviendra une fois le beau temps confirmé) - vraiment rien ne vous met le coeur en joie. Et malgré moi je cherche du regard alentour
les giroflées si communes d'autrefois, avec leurs couleurs de flamme et leur parfum enivrant : je n'en vois plus nulle part, je n'en trouve ni sur les catalogues ni dans les magasins, ont-elles
disparu des goûts du citoyen Lambda comme le fromage fort ou le sel sur le melon? Il y a encore une dizaine d'années, j'en connaissais une touffe sur un reste de rempart, trop haut perchée
pour ne pas résister aux tentatives de cueillette, mais la reconstruction d'un immeuble a sonné le glas de cette solitaire obstinée. On n'en trouve pas sur le marché non plus, là où il traîne
souvent des traces têtues des habitudes d'antan... Comment vous décrire mon émotion d'en trouver partout à l'état sauvage, dans les fossés de l'Ohio (oui!) allant du blanc
ivoire au rose et violine au lieu des dégradés de jaunes et d'orangés de chez nous? Renseignements pris à la bonne source, ce sont bel et bien des descendantes de giroflées de jardin repassées à
l'état sauvage, le changement de couleur de base s'expliquant par les composantes du terrain américain. Moi je veux bien, mais cela me paraît tout de même une justification étrange -
vous avez dit Bizarre, mon cher Cousin? comme c'est étrange! - ce qui ne m'empêche pas de me régaler pendant tout le mois de mai. Car ces giroflées de l'Ohio s'offrent à moi un mois plus tard que
chez nous, et loin d'être devenues rares et oubliées elles poussent à profusion dans ce camaïeu de mauves et de roses si délicat - croyez-moi, c'est une douceur pour l'oeil en encadrement du
maïs, du soja ou des haricots. Cela ne me console pas complètement de ne plus jamais trouver mes giroflées ici ou là, mais tout de même c'est mieux que rien. Si vous avez un tuyau de jardinerie
(bouture, graine, marcottage...) sur le sujet, mille mercis d'avance de me tenir informée : je vous le rendrai au centuple.
Lucette DESVIGNES.
Lucette DESVIGNES.