A deux ou trois reprises déjà, faute de vous citer quelque grand poème ou quelque phrase subtile, je vous ai fait part du style effarant qui accompagne l’offre d’un sac à mains ou d’une montre : pardon si je récidive… Je n’ose certes pas imaginer qu’on me réserve ces phrases enchanteresses, mais je ne veux pas les garder pour moi, et si vous les avez déjà lues quelque part sur le même catalogue (eh ! oui, ah ces catalogues…) que moi, tant pis : vous ne leur aviez certainement pas prêté l’attention qu’ils méritaient. Comme par hasard, c’est un sac à mains – encore un – qui m’est offert : ainsi j’aurai « tout pour cultiver l’élégance dans ce qu’elle a d’absolu » - bigre ! D’abord, comme de juste, c’est la note d’introduction. Puis s’amorce la peinture du concret, ou plutôt l’évocation de ce que ce concret doit déclencher : « Avec ses formes sensuelles, ce sac exprime une féminité magistrale » - bigre de bougre ! Vous imaginez tous les petits chiens qui suivent ce sac dans la rue ? Ensuite on brosse le tableau du milieu dans lequel on sera / vous serez / je serai tranportée(s) : « Son allure renvoie à un univers où luxe et décontraction vont de concert sur fond de poésie » - d’où un habile glissement dans le domaine affectif : « Il en ressort une indéfinissable émotion ». Heureusement on se remet, et on « cambre son âme ainsi qu’en un corset » (ça c’est du Cyrano, vous avez reconnu au passage : c’est ampoulé mais tout de même…) pour constater ce que donne la mise en place de cet objet unique : « Aujourd’hui, il est ce compagnon racé qui n’attend plus qu’un geste de votre part. Prêtez-lui votre bras : il vous promet des instants de pur bonheur ». On attendait un plébiscite pour le statut de la Grèce, il n’a pas eu lieu. Si on instituait entre nous un questionnaire-express pour savoir si vous me conseillez de tout faire / ou de ne rien faire / pour me procurer ce sac ?Est-ce que ça ne serait pas une bonne idée ?
