Un petit catalogue dont je ne connaissais pas l’existence est venu me contacter il y a trois ou quatre jours. Je ne vous dirais pas son nom, car je ne suis pas une officine de publicité et son allure (grande cape virevoltante, visage effronté au dédain suprême : il ne lui manquait que le chapeau ultrachic de la dame aux desserts légers mais exceptionnels destinés à ravir, dit-elle, les « snobs » entre guillemets) oui, son allure se faisait d’emblée si séparée du vulgum pecus que jamais de la vie je n’aurais osé vous en proposer la vue, à vous mes belines qui êtes comme moi du tout venant – du passetout grain, dirait mon père. Donc, ce catalogue à l’usage des femmes chics avait une noble ambition, ouvertement proclamée : en le fréquentant on apprenait le luxe, et son usage, et son porter. Rien que cela, mes belins ! (je m’adresse aussi à vous, les garçons, parce que la sociologie vous intéresse sans doute, à défaut de passion pour les fanfreluches et modes diverses). Cela me rappelle une pub de télé d’il y a une quinzaine d’années, quand le spectre de la récession et de la crise ne se profilait encore pas sur l’horizon et que les Trente Glorieuses incitaient tout le monde à tenter sa chance n’importe où pour gagner plus : « apprenez les gestes du luxe, prenez l’habitude de la fortune » (jouez au golf, donnez des pourboires, faites du cheval…).J’avais alors trouvé éhontée cette manière de donner théoriquement aux gens un paquet d’actions suffisant pour jeter l’argent par les fenêtres, c’était indécent. Inutile de dire que les incitations de cet élégant petit catalogue réservé à quelques-unes et pas du tout à tout le monde (bardé de prix qui jouaient d’ailleurs parfaitement leur rôle d’arme dissuasive) n’ont rien fait pour me séduire. Mais j’ai eu tort de hausser les épaules trop vite : je regrette d’avoir éclusé cette petite brochure, je me rappelle trop tard que le style des commentaires était à la hauteur de la prétention, cela nous supprime une bonne occasion de commentaire de texte que, j’en suis certaine, vous auriez tous vivement apprécié. La prochaine fois… Mais serai-je encore une autre fois mise sur les listes des dames jugées dignes d’apprendre le luxe ? Voire, dit Panurge !
