«Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal… » …Mais non ! Ce n’est pas Hérédia qu’il convient d’évoquer ici : sa nichée de rapaces s’égaille hors du nid pour aller chercher proie ailleurs. Ici c’est tout le contraire qu’il faudrait dire, puisqu’il s’agit de voir s’abattre une famille aux doigts crochus sur les biens d’un homme qu’elle détestait. Une tribu de vautours fonçant comme un seul homme sur tout ce dont le propriétaire vient de lâcher prise, abandonnant toute prétention à la possession pour cause de décès…Un pillage s’organise une fois l’inventaire fait par le notaire : un beau jour, sans que personne d’officiel ne les convoque, ils sont tous là – à moi ce guéridon, à moi ce secrétaire, à moi cette commode, à moi ce vaisselier, à moi l’argenterie, à moi le service de verres… Non seulement en théorie tout cela devrait, une fois vendu, faire partie de la succession, mais en outre cela s’effectue en douce. C’est le dépècement d’un cadre de vie peu à peu constitué à deux, c’est le démantèlement d’un tout rassemblé par les décennies. Si seulement ils pouvaient brandir un souvenir, le rattachement à tel objet promis parce qu’aimé d’une génération à l’autre : l’absolution serait immédiate, le geste deviendrait naturel car au contraire le lien d’affection concernant l’objet serait préservé, réacclimaté, revivifié. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Et voir des gens hostiles à lui soudain se repaître des dépouilles d’un mort sous prétexte qu’ils faisaient ^partie de la famille, a quelque chose d’impardonnable et de répugnant.