On peut s’étonner de l’enthousiasme attendri avec lequel les poètes – les grands, les moins grands, voire les débutants et ce ne sont pas forcément les pires – ont célébré, célèbrent et célèbreront les splendeurs et la gloire de l’automne. Certes on peut encore fin septembre jouir de quelques belles heures d’un soleil chaud et mûr à parfum de pêche et de figue, mais très vite que nous offre-t-il derrière ? La saison se meurt, on le sent dans son corps et dans son cœur, on décline avec elle en force, en énergie, en éclat, la joie disparaît du paysage ambiant et du paysage intérieur. Et elle chercherait plutôt à se cacher, cette pauvre saison qui s’étiole. Elle dissimule ses pâleurs et ses effilochages sous des voiles de brume qu’elle tente de disposer afin qu’on leur trouve une certaine poésie, mais qui au fond ne sont qu’un aveu d’impuissance et de faiblesse. Elle perd sa couleur comme des joues de poitrinaire, elle se met à sentir le chrysanthème et l’humidité des pierres tombales. Elle peut encore à l’occasion jouer les coquettes en agitant ses brouillards, car cette buée à fils d’argent qui adoucit les contours et nimbe les formes prend des reflets de perle lorsqu’un soleil égaré la traverse. On ne peut tout de même pas se réjouir de voir tomber les feuilles, flétries et crispées dans leur agonie, comme on guetterait avec le cœur battant la sortie des premiers bourgeons…