Retour sur terre, si vous voulez.- le mal de mer est si pénible ! Parlons poulet – dans mon enfance on mangeait traditionnellement du poulet rôti pour le 14 juillet ou quand on avait des invités, c’était du poulet de Bresse, on s’en léchait les doigts (figure de style), mais cette denrée de choix est devenue, surtout aux USA, aussi quotidienne que les patates. Là encore, pour nourrir des milliards de consommateurs, les quantités de bêtes à fournir s’expriment en chiffres délirants, tels ceux des bénéfices de la BNP chaque année, voire davantage. On ne classe plus les poulets selon les anciennes espèces, dont chacune avait sa spécificité pour la gastronomie : on ne compte plus que poules pondeuses et poulets de chair. Dès l’éclosion le destin des uns et des autres est tracé : on va modifier artificiellement le métabolisme des bêtes à manger (en un demi-siècle le poulet a atteint une taille plus de deux fois supérieure en deux fois moins de temps, et au lieu de vivre quinze à vingt ans il est tué au bout de six semaines). La poule pondeuse, elle, encagée sur un espace d’environ une feuille A4 (624 cm2) dans des batteries d’une dizaine de niveaux (18 niveaux au Japon) dans des hangars sans fenêtres, est amenée par un système diabolique de trafic de la lumière à pondre deux œufs par jour (plus de 300 par an, au bout de quel temps on la tue, car elle ne pourra pas recommencer cet exploit et cela coûte moins cher de la remplacer par une nouvelle pondeuse que de la garder et la nourrir pour une production moindre). Quant aux poussins mâles des poules pondeuses, si on n’en fait pas des poulets à manger, on les détruit : soit aspirés par des tuyaux jusqu’à une plaque électrisée, soit jetés vivants dans d’immenses conteneurs en plastique où ils s’écrasent, s’étouffent, se piétinent, bref agonisent sans rémission. Parfois on les passe au broyeur, à la déchiqueteuse à bois. Je vous le dis, on n’endigue pas les ressources de l’ingéniosité humaine.