Par lucette desvignes
C’est incroyable, mes belins-belines, ce que peut entraîner la perspective de voir votre portefeuille s’enfler sans qu’il y ait eu le moindre début de geste de votre part. Vous ne vous en rendez même pas compte, probablement – mais les autres en sont conscients, et comment ! Votre ton a changé – vous avez pris un ton de propriétaire, ni plus ni moins, et qui pourrait bien vous le reprocher ? Vous n’avez tué personne pour pouvoir hériter, par conséquent vous allez de droit entrer dans vos nouveaux droits, vous pouvez prendre un ton de voix différent, c’est permis. Surtout on dirait que vous n’avez plus à vous embarrasser des moindres précautions oratoires que vous preniez autrefois – naguère, voire tout simplement auparavant. Comme si vous aviez supprimé l’huile qui servait d’onguent aux engrenages – forcément, s’il y a la moindre occasion de grincer, ça grince. Et, je vous le répète, ça s’entend dans le ton, il n’y a plus d’huile pour adoucir les contacts. Et cette entrée imminente en possession de nouveaux biens change vos relations avec les autres. Non certes parce que vous allez vous mettre à les dédaigner, s’ils n’ont pas eu le même traitement que vous dans les dispositions des dieux, mais, semble-t-il, parce que justement ce changement de position à l’intérieur d’une même famille a rompu des liens par-ci par-là. Entre soi on sanglote de voir ce qu’un autre va peut-être obtenir, c’est donc entre soi qu’on se plaint de l’indélicatesse du sort, c’est entre soi qu’on se considère comme meurtri blessé atteint au cœur par une absence d’égards nouvellement dus…Ô Balzac, qu’il y a encore des recoins où tu n’as pas cru nécessaire de jeter un regard !
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