Ce public de blog, invisible et peut-être absent, mais peut-être aussi attentif en silence, régulièrement présent, se faisant peu à peu une idée de vous, de vos réactions devant l’actualité, de vos émotions et manières de les laisser transparaître - de votre style aussi, car certains sont éventuellement écrivains, et connus, et qualifiés (donc tout ce qu’ils diront de votre prestation jour après jour aura valeur officielle pour vous et vous apportera, si brièvement exprimée qu’elle soit, une justification dans la voie que vous avez choisie) – ce public de blog, donc, impossible à évaluer, à connaître, à contacter autrement que par la parole qui s’envole ou par le texte éphémère, est peu à peu devenu si réel, si proche, que sans pouvoir distinguer des traits ni des sons de voix je le reconnais comme on reconnaît une présence dans la pièce voisine : on sait qu’il y a quelqu’un, inutile d’aller vérifier. Lorsque l’actualité me fournit l’indignation et la révolte, j’ai l’impression, dans mes vitupérations, que je tonne en chaire devant une audience qui, le blog terminé, n’aura qu’une envie, celle de multiplier ma parole urbi et orbi – et pourtant s’il est vrai que s’est accru au fil des ans le nombre de mes auditeurs (je dis bien auditeurs, car c’est surtout ma voix qu’ils entendent) il n’en reste pas moins que bon nombre des visiteurs curieux qui prennent contact avec mes gazouillis n’insistent pas, vont plus loin, n’aiment pas mon ton familier et direct. Mes belins-belines…ce vocabulaire lyonnais de la Mère Cotivet pieusement repris contient une tendresse d’approche qui retient les autres, mais il y a toujours des frileux qui fuient le contact comme des antennes d’escargot qu’on manipule...