Par lucette desvignes
Lorsque je parle de genre, je ne veux en aucun cas faire allusion à ce qui semble si stupidement avoir conditionné une vision aberrante de l’éducation du jeune âge, à savoir ces distinctions ahurissantes entre jouets pour filles et jouets pour garçons et toutes les théories fumeuses qui se sont rattachées à cette vue de l’esprit se croyant originale et féconde. Je veux me cantonner dans les genres littéraires ou artistiques, lesquels ont eux aussi – et comment ! – le droit de s’affirmer à l’intérieur de catégories bien précises. Y aurait-il une relation entre mon habitude de ne jamais mélanger les mets servis sur mon assiette (« Mélange donc, disait ma mère, c’est bien meilleur – Mais, disait mon père, cette petite n’aime pas mélanger, elle est comme moi, ne la force pas ») et le franchissement indu des catégories individuellement définies ? Toujours est-il que je n’aime pas l’opéra parce qu’il mélange le texte ou l’inspiration littéraire (pauvres livrets, bien souvent) et la musique qu’il oblige à servir la parole au lieu de s’exprimer per se, par la symphonie ou la musique de chambre. Je n’aime pas non plus le mélange des genres au cinéma : je me rappelle qu’il y a très longtemps, à ma première vision d’Arsenic et vieilles dentelles, je n’avais pas trouvé réjouissante cette incursion d’un neveu à tête de monstre dû à la fabrication d’un Frankenstein au petit pied dans ce milieu bourgeois où s’entassaient déjà les cadavres (que j’avais, eux, parfaitement acceptés). Le genre mélo, lui aussi, me paraît haïssable, lui qui amène à une conclusion souriante des épreuves qui se voudraient tire-larmes. Au fond, comme le disait ma mère sur un ton pincé, il n’est pas si facile de me plaire…(Pardon, s’excusait Jack Rollan après avoir fustigé les égoïsmes et les travers de notre société – mais il ajoutait toujours « au revoir, à mardi prochain » et tous les auditeurs étaient au rendez-vous).
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