Il pleut des westerns en ce moment, et je ne vais certainement pas m’en plaindre. Revoir une énième fois les anciens, les classiques, les archi-revus, les inépuisables, c’est toujours un plaisir. Mais en outre quand l’occasion nous est donnée de découvrir un (ou une) jeune réalisateur pour prendre la relève des John Ford, Hathaway, Delmer Daves et compagnie, vous imaginez bien que ce n’est pas le moment de bouder. De manière fort inattendue mercredi soir j’ai ajouté à ma collection un nom féminin, Kelly Reichardt, en le rattachant à une réalisation étonnante, originale et forte, qui offre un aperçu du destin des pionnières dans la marche vers l’Ouest des émigrants américains en leur donnant voix pour la première fois. Certes on avait déjà vu les sacrifices des femmes jetant sur la piste, pour alléger les chariots, la pendule ou la boîte à musique conservée jusque là en souvenir de la vie d’avant ; ici aussi on voit l’abandon du rocking-chair qui se brise dans sa chute, mais dans la parcimonie des répliques, dans la lenteur des réactions, l’opinion des femmes se fait entendre, et de manière finalement décisive. Le traitement du récit est simple jusqu’à l’épure :trois familles avec leurs trois chariots ont été trompées par un guide incompétent qui a égaré le convoi loin de toute rivière ou de toute piste. La faim, la soif, la fatigue, la peur accablent le groupe, auquel se joint, capturé parce qu’il était seul et sans méfiance, un Indien sans plume et peut-être sans hostilité dont la présence insolite va amener les femmes à réfléchir pour remplacer le jugement défaillant des hommes. Pas d’anecdotes, pas d’incidents : même à la fin le convoi va suivre l’Indien devenu guide qui s’enfonce vers l’horizon, mais on ne sait s’ils vont vers le salut, l’eau, la fin des épreuves ou s’ils vont s’engloutir dans le paysage sans bornes.