Il est de plus en plus souvent question de demander au peuple son avis, ou sinon au peuple, du moins à la population. Le terme de référendum est agité ou l’a été au cours des récentes campagnes pour le changement de petit timonier, l’élection en elle-même servant finalement de jugement par oui ou non, même si on a pu y voir des variantes. Tandis qu’une proportion non négligeable de l’électorat dédaigne d’aller aux urnes, les inscrits sur les listes électorales tiennent à exercer leur droit de réclamation ou à affirmer leur choix : pour les femmes en particulier, il a fallu affronter tant de luttes et déployer tant de ténacité avant d’obtenir cette malheureuse reconnaissance de la qualité complète d’adulte humain qui sache lire et écrire donc participer aux destinées de la nation, que chacune d’elles devrait se sentir humiliée, voire mutilée, à la simple suggestion de laisser cette précieuse autorisation aux orties. Il y a même eu, à l’intérieur de cette campagne défunte, un supplément d’enquête, pourrait-on dire, puisque les champions d’une couleur s’affrontaient en champ clos, histoire de simplement s’échauffer avant la grande bagarre. Ce que je retiens de ce panorama d’ensemble, c’est qu’on fait de plus en plus ouvertement comme si l’avis des gens comptait. Le référendum et la pétition sont devenus des armes silencieuses – sont-elles aussi efficaces que les pétaradantes explosives des champs de bataille, je ne saurais me prononcer sur ce point. Toutefois on les pratique sur le web à tire larigot : je le découvre chaque jour, et je ne sais de quoi je m’étonne le plus, des sujets proposés au oui ou au non et à la dénonciation collective vigoureuse, ou à la candeur des gens de bonne volonté qui s’imaginent que leur signature va pouvoir changer la face de la planète.