Je me fais un peu l’effet d’un de ces vieux dirigeants soviétiques qu’on exhibait en les sortant de leur naphtaline pour les jours de grands défilés ou de grandes célébrations, qu’on aérait sur le grand balcon du Kremlin sans les quitter de l’œil de peur de les voir s’effondrer et qui, après qu’on les avait montrés à la foule pour bien prouver qu’ils étaient encore de ce monde, étaient rangés de nouveau dans leurs placards jusqu’à la prochaine utilisation publique. J’ai leur raideur, leur air absent, leur mobilité d’automates, leur voix éteinte. Et j’ai le corps brisé d’avoir tant toussé et de tousser encore. Mais c’est toute seule que je viens me montrer sur mon balcon : je ne vous y ferai pas une longue déclaration, parce que les mécanismes mentaux sont encore un peu rouillés, mais vous le voyez, je suis encore consciente, et même consciente de mes devoirs, que je reprendrai dès que possible. Pouvais-je vous donner une meilleure preuve de ma bonne volonté à votre égard, dites-moi, mes belins-belines ?