En dépit d’un rationalisme solidement enraciné, j’adore les films de David Lynch, dans lesquels à chaque instant on bute sur quelque chose d’irréaliste, d’inexplicable, d’inexpliqué, qu’on remâche avec incompréhension sans jamais aboutir à l’apaisement. J’avais en son temps – pas assez éloigné dans le passé, hélas, pour qu’on puisse espérer un retour de la série sur le petit écran – adoré Twin Peaks, thème, personnages, déroulement des mystères (et la musique, donc, d’Angelo Badalamenti, étonnante, qui vous prend et ne vous lâche plus avec ses grondements de basse à faire frissonner d’angoisse) – et pourtant, voir l’agent du FBI, au dernier moment, se révéler admis dans la cohorte des disparus probablement condamnés à l’enfer, lui qui avait drainé l’admiration et la sympathie générales, c’était difficile à digérer. J’ai donc regardé dimanche, pour la énième fois, Mulholland Drive, qui me permet à chaque vision de glaner une nouvelle explication sournoisement enfouie : ainsi, la toute première séquence qui est tirée de West Side Story montre l’exaltation d’une « danseuse »qui sera le personnage principal du film, histoire de nous faire comprendre sans délai qu’elle s’imagine être le centre des regards, ce qu’elle est loin d’être et qu’on ne découvre qu’aux trois quarts de l’histoire, quand elle émerge de son rêve. Des choses horribles, meurtrières, apparaissent, visages hideux dont la vue cause la mort (on le reverra pourtant, ce semi-minus revenu dans cette brasserie minable pour expliquer son rêve à son éducateur)…le tout sans le moindre rapport avec l’histoire de l’actrice droguée. Mais je ne sais toujours pas d’où proviennent ces liasses de cent dollars qu’on cache dans un carton à chapeau…ni le rôle joué par ce cowboy de la banlieue de Los Angeles aux propos sibyllins qui se produit comme des cheveux sur la soupe en pleine nuit – ce sera sans doute pour la prochaine fois !