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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 14:44

 

 

         °Plongée comme je le suis dans l’écriture d’une préface pour l’ouvrage de mon ami Alain Bélassène sur la Shoah en Côte d’Or à paraître ce printemps, je n’ai guère le cœur à rire ni même à sourire. Chaque fois qu’on fait devant moi allusion à cette horreur qu’est un génocide, je me sens accablée par « le chagrin et la pitié » qu’une chose pareille puisse jamais se concevoir dans le cerveau humain.  Tu n’as pas la même couleur de peau que moi ?  la même langue ? la même religion ? la même philosophie ? les mêmes habitudes pour te nourrir ou te divertir ? Donc tu mérites de disparaître à mes yeux, plus de contact avec toi, plus de relations quelles qu’elles soient. Je ne te connais pas mais je ne veux pas te connaître, donc je me méfie de toi, j’ai pour toi de l’aversion, de l’incompréhension, tout cela n’est pas loin de la haine. Hors de ma vue ! regroupe-toi avec tes semblables : mes semblables à moi, oui les miens, sauront vite organiser ces expulsions, ces chasses à la bête, ces chasses à l’homme – car tu n’es qu’un sous-homme, un Untermensch, retrouve tes semblables et débarrassez-nous de votre présence et de votre vue.  Et ne résistez pas : nous sommes la force, nous faisons la loi, nous vous considérerons comme une espèce nocive, nous nous considérerons comme en droit de vous abattre. Les « Plus jamais ça ! » de bonne volonté des gens de cœur ne sont pas  écoutés, tous les jours une nouvelle ethnie se trouve exposée à l’extermination dans le sang et la souffrance. Aussi, pour m’extraire de ces sombres pensées, ai-je eu plaisir à revoir (douzième ? treizième fois peut-être) l’admirable Avanti ! d’un Billy Wilder âgé de 67 ans. Justement, et dans un tout autre registre, il s’agit de comprendre l’autre, de lui ouvrir les yeux sur le reste du monde – l’Italie des années 50 à découvrir, avec tous ses Italiens et son café, sa bonne humeur et sa tendresse, par un Américain étroit d’esprit et engoncé dans ses habitudes conventionnelles… La conversion n’a rien de tragique ici : mais elle a nécessité les mêmes soins attentifs, la même bonne volonté de l’un s’appliquant à amener l’autre à adopter les mêmes façons de voir – la morale en creux, en somme, tout en lumière, du même schéma dialectique…

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commentaires

A
Vous dites exactement ce que dit Abdellatif Lâbi dans son poème 'Les tueurs sont à l'affût'<br /> <br /> Les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Mère, ma superbe<br /> mon imprudente<br /> Toi qui t'apprêtes à me mettre au monde<br /> De grâce, ne me donne pas de nom<br /> Car les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Mère, fais que ma peau<br /> soit d'une couleur neutre<br /> Les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Mère, ne parle pas devant moi<br /> Je risque d'apprendre ta langue<br /> et les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Mère, cache-toi quand tu pries<br /> laisse-moi à l'écart de ta foi<br /> Les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Mère, libre à toi d'être pauvre<br /> mais ne me jette pas dans la rue<br /> Les tueurs sont à l'affût<br /> <br /> Ah mère, si tu pouvais t'abstenir<br /> attendre des jours meilleurs<br /> pour me mettre au monde<br /> Qui sait<br /> Mon premier cri<br /> ferait ma joie et la tienne<br /> Je bondirais alors dans la lumière<br /> comme une offrande de la vie à la vie*<br /> <br /> <br /> In Le Spleen de Casablanca, éditions de la Différence, 1996.<br /> <br /> http://www.printempsdespoetes.com/index.php?url=poetheque/poetes_fiche.php&amp;cle=366
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D
Mille mercis, chère Adrienne, pour ce poème bouleversant. Je me procure le recueil immédiatement. Vous m'apportez beaucoup...

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