Leila Chaïd prend sa retraite. Elle est triste et en colère, car elle n’a pas pu faire tout ce qu’elle rêvait de faire, et malgré sa présence, son énergie, sa vigueur et son dévouement à la cause palestinienne, le grand chantier auquel elle a consacré toutes ses forces n’est qu’amorcé et toujours douloureusement en panne. Elle s’est usée à se cogner toujours aux mêmes obstacles, l’hypocrisie, la lâcheté, les fausses promesses, le mépris généralisé de l’humain, l’indifférence devant les réalités de l’histoire, la duplicité, le manque de courage à s’opposer aux contrevenants du respect le plus élémentaire de la vie des autres et de la parole donnée. Personne n’a su défendre comme elle la position des Palestiniens acculés aux pires solutions puisque personne ne veut entendre leur voix : que faisaient donc les Résistants sous l’Occupation, quand ils n’avaient que leurs poings pour tâcher de se libérer et que toutes leurs actions de destruction des transports, des routes, des ponts, des bâtiments occupés par l’ennemi les ont fait traiter de terroristes pendant quatre longues années ? Voilà plus de soixante ans que dure en Palestine cet état de choses inacceptable, ce grignotement de territoire (qui va dangereusement s’imposer un jour ou l’autre comme un état de fait que les gouvernants de la planète n’auront plus qu’à homologuer puisque le territoire palestinien ne sera plus que quelques poches isolées) …Si elle n’est plus là pour rappeler avec virulence que cette ignominie est en train de se passer sous les yeux du monde, alors que s’amorce lentement mais, peut-être, fermement, un mouvement de reconnaissance du pays martyr, qui saura crier la douleur de la Palestine ?