Evening Song
Lorsque je vois le jour passer au crépuscule
Sans que la moindre idée assaille mon cerveau,
Point n’est besoin pour moi de voir à ma pendule
Si déclarer forfait est la chose qu’il faut.
Tous les enseignements logés sous ma férule
Renâclent à donner le moindre rejeton.
Ils me laissent dans la posture ridicule
De qui s’acharne en vain à presser un citron.
C’est vrai. Pas le moindre pipi de libellule
Ne sort de mes neurones triturés en vain.
Je pourrais essayer de prendre des gélules
A déguster avec un verre de bon vin.
Mais ce serait comme dans l’ignoble édicule
Qui se baptise ferme et déclare héberger
Mille vaches élues pour bien coincer la bulle
Et dans le plein bonheur couler des jours dorés.
Bourrées d’hormones délayées dans la fécule
Pour faire naturel dans l’alimentation
Qu’on falsifie, qu’on triture et qu’on manipule,
On les soutire comme un fût, sans considération.
J’aurais trop peur, en ingurgitant mes granules,
De réduire ma vie à juste quelques mois :
Devant ce raccourci terrible je recule,
Elle ne peuvent pas, mais moi je peux, ma foi !
Les trayeuses installées avec leurs tentacules
Aspirent leur substance aussi bien que leur lait.
Foie ou poumons, côlon, estomac, vésicule :
Il faut produire et rendre l’âme, s’il vous plaît !
En vous disant ces inepties de funambule,
Tristement vraies pour le bétail, mais autrement
Fausses jusques au fond des moindres particules
Dès qu’il s’agit de mon personnel traitement,
Je demeure obsédée dans mes moindres cellules
Par ces ponctions taillant au plus vif du vivant ;
Et, mes agneaux, certes je ne suis pas crédule,
Mais voilà que ce soir je vais m’imaginant
Que vous me pressurez jusqu’à l’ultime bulle
En extrayant de moi ce que je peux donner :
Même s’il est bien clair que vraiment j’affabule
J’ai grand besoin de me refaire une santé.