Un ami très cher, écrivain bien sûr, me rappelle la question de Hölderlin : « A quoi bon des poètes en temps de détresse ? ». Et il donne lui-même la réponse : « Eh bien nous sommes là, ici et maintenant, pour écrire parce qu’il le faut ». Il a raison : au désespoir, à la consternation, à la crainte, il faut répondre par la culture, puisque c’est de l’inculture, de la haine de la culture, du projet de destruction de la culture, que viennent le mal et la folie meurtrière. En même temps que l’horreur du dernier carnage (et nous aurions pu voir pire encore : l’un des kamikazes du stade, tandis que l’autre devait faire sauter les tribunes, recherchait – en vain, heureusement – une caméra de télévision pourtant sur place pour se faire exploser en direct, au beau milieu de la retransmission du match…) cherche à prendre tous les visages possibles, nous devons lui opposer non seulement un front uni de courage et de mépris, mais encore une diversité majeure de comportements non altérés par la peur, et tournés vers ce que nient les fous d’Allah. Oui, chacun doit continuer parce que ne rien changer à ses habitudes est la meilleure protestation individuelle contre ces briseurs de paix civile. Quant aux écrivains, oui, ils doivent continuer à écrire, en faisant entendre si possible dans leur voix l’énergie de la résistance et l’exaltation de la solidarité fraternelle (tout ça fait très pompier, je vous l’accorde, mais il faut bien voir toute la force que ça donne)…