RANDOLPH SCOTT ET LA SERIE B
J'avais toujours assimilé au niveau de la série B américaine le visage et la tenue de Randolph Scott, et c'était bien à raison, car il était la bonne fortune, voire l'unique recours des réalisateurs seconds couteaux, l'éternel shérif qu'on voyait un nombre incalculable de fois avec le même Stetson, la même plaque étoilée et sans doute aussi le même cheval. Autour de lui, les vieux comiques comme Walter Brennan ou Hunnicut se,distinguent par leur personnalité bougonne et truculente : d'un film à l'autre on reconnaît leur voix, leur humour ronchonnant, ils incarnent savamment un personnage. Randolph Scott, shérif et toujours brave homme (visage impassible vaguement souriant jamais malmené par les coups de poing, le sang ou la poussière, cheveux bien en place, les plis du dos de la chemise bien marqués) hérite de la bonhomie du tonton, du parrain affectueux, du justicier protecteur, vaguement amoureux sans jamais se lancer : comment lui prêter une voix, un style, une diction? Je me demandais comment il avait fait pour se couler dans cette atonie qui se laissait accepter comme telle sans jamais lasser les réalisateurs. Je viens de découvrir sous la plume inspirée d'un critique la formule qui le caractérise parfaitement dans son absence de caractère : "sa talentueuse inconsistance". Oh j'aurais voulu trouver moi-même cette alliance de mots si savoureuse et si juste...