J’avais rouspété quand mon trombone avait disparu de mon écran. Je l’aimais, eh bien oui je l’avoue. J’aimais sa manière de ribouler des yeux, avec ironie, lassitude, énervement, colère, mépris… Tout y passait des appréciations variées qu’il portait sur ma conduite en technologie, et j’aimais en particulier sa résignation au pire, quand affalé sur son drap de bain (ou ce qui lui ressemblait fort) il avait les bras croisés au-dessus de sa tête et me jetait de temps à autre un long regard d’ennui. Puis il a disparu, et j’ai fait des pieds et des pattes pour le récupérer : impossible, m’a-t-on susurré dans ma boîte à malice, il dépend d’un disque désormais obsolète sinon mort à l’ennemi. Je le remplace, j’ai paraît-il le choix… Un chat trop faux dans ses gambades pour ne pas m’irriter, moi qui ai sous les yeux en permanence tant de modèles si vivants et si authentiques. Une grosse citrouille, vive et rapide, joviale aussi, mais à laquelle je ne peux vraiment pas m’attacher d’affection. Un petit chien – faute de grives, on mange des merles quand on est carnassier – bref je me résigne à adopter le chien. Eh bien je l’adore. Non seulement il est gentil, fidèle, dévoué, facile à vivre (quand une mauvaise manœuvre le renvoie à sa niche, il y va la queue entre les jambes, mais sans protester, tout juste s’il se frotte la boue des pattes sur mon paillasson avant de rentrer au sec), mais encore, si je l’appelle parce qu’on ne me l’a pas présenté d’ouverture, il se harnache d’une combinaison ignifugée et fait fondre à l’acétylène les chaînes qui le retenaient loin de moi, avant de venir se mettre, tout guilleret, à ma disposition. Lorsqu’il s’est couché, gentiment, il ne dort que d’un œil, ouvrant l’autre à chaque instant. Et puis, dites-moi, il aboie ! Gentiment là aussi, lorsque par exemple j’ai négligé depuis le début d’un trop long paragraphe d’enregistrer un texte qui sans lui se perdrait sans doute… Ne me le changez plus, je crois que j’ai, pour une fois, fait le bon choix…
