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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 09:24

         Il a fallu attendre la fin de sa production, avec Les Cheyennes, pour que John Ford donnât du problème des Amérindiens un compte-rendu exact et précis, donc indigné et appelant à grands cris le retour de la justice. Dès l’apparition des thèmes du Wild West – les grands espaces authentifiés par Monument Valley, les « sauvages » avec leurs flèches et leurs prouesses à cheval, l’exposition des colons isolés ou des pionniers en convois aux attaques des tribus chassées de leurs terres, les difficultés pour elles d’obtenir des armes si ce n’est par le biais des malfrats qui souvent les trompaient sur la marchandise, ou encore le rapt d’enfants blancs pour être élevés à l’indienne – il est facile de ne voir dans ces peuplades qu’on arrachait à leur existence autonome qu’une masse de guerriers sanguinaires collecteurs de scalps (le scalp ayant d’ailleurs été le moyen institué par les autorités officielles de récompenser la mise à mort  d’un « sauvage », comme pour les bêtes à fourrure). Il a fallu La Flèche brisée de Delmer Daves pour qu’enfin on pût faire entrer ceux qui étaient pourtant les Native Americans, comme ils réclament d’être appelés maintenant, dans la catégorie des humains, avec des droits à respecter et une dignité qu’on devait admirer. Le film de Ford, après une longue suite de Westerns où la cruauté et la sauvagerie étaient du côté des seuls Indiens, Comanches ou Sioux ou Apaches, se voit comme une expiation de ses visions antérieures si fausses : par deux, par trois fois les Blancs manquent à leur parole et laissent les Cheyennes mourir de faim sur les terres arides où ils les ont chassés et parqués. L’attitude des Indiens, admirable de dignité en face des décisions révoltantes venues d’en haut ou des interprétations stupides des officiers qui les appliquent, parle pour eux : le manichéisme  renforcé des positions situe enfin Ford du côté des persécutés, il montre leur condition douloureuse sans les quitter de la caméra, il frappe fort, il veut convaincre – même le générique du film, loin des chevauchées habituelles, est d’une insolite gravité. Un Mea Culpa, en somme…

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